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Dernières heures de campagne avant le référendum sur la Constitution

La campagne sur la réforme constitutionnelle proposée par Mohammed VI dans la foulée du printemps arabe, qui prévoit le transfert d'une partie de ses pouvoirs au gouvernement, s'achève ce jeudi au Maroc à la veille du référendum.

REUTERS - A Al Hoceima plus qu'ailleurs au Maroc, les raisons de voter "non" au référendum de vendredi sur la réforme constitutionnelle proposée par le roi Mohamed VI devraient trouver un écho favorable.

Pourtant, dans cette localité du Rif, région du Nord longtemps insoumise, beaucoup se disent prêts à faire le contraire, ne serait-ce que par gratitude envers le souverain.

De nombreux habitants lui savent gré d'avoir sorti la ville de l'isolement qu'elle connaissait sous le règne d'Hassan II, son père. Alors prince héritier et chef d'état-major, ce dernier supervisa la répression de l'insurrection du Rif, qui fit près de 3.000 morts en 1958.

Les visites répétées de Mohameh VI et son séjour prolongé après le séisme de 2004 qui y fit 630 morts ont bouleversé les relations entre la monarchie chérifienne et une région berbère qui fut brièvement indépendante avant la guerre du Rif, dans les années 1920.

La réforme constitutionnelle qu'il propose a été élaborée après les manifestations sans précédent de février, inspirées du "printemps arabe".

"Evidement que je voterai 'oui'!", affirme Mohamed. "Les meneurs des précédentes révolutions ont berné les Rifains et les ont utilisés comme du petit bois pour allumer le feu", s'indigne-t-il.

"Mon père en faisait partie et il est mort d'une balle dans la tête. Les révolutionnaires n'ont même pas pensé à aider ma mère en mettant un peu d'huile d'olive et de pain sur la table."

La réforme constitutionnelle prévoit le transfert d'une partie des pouvoirs royaux au gouvernement, mais laisse au souverain la responsabilité de la sécurité et le commandement des forces armées, ainsi que ses prérogatives religieuses, alors
que ses opposants l'exhortaient à déléguer tous ses pouvoirs exécutifs à des instances élues. A contrecoeur, ils jugent toutefois que le "oui" devrait l'emporter.

"RIEN NE CHANGERA JAMAIS"
 
Cinq des sept victimes recensés après les manifestations de février ont trouvé la mort à Al Hoceima. Les proches de trois d'entre elles affirment qu'elles ont succombé sous la torture après leur arrestation. Or, y compris eux, la réforme trouve despartisans. Fadwa Benkaddour, soeur de l'un des tués, espère ainsi que la nouvelle constitution réduira les injustices.

"Rien ne changera jamais. On souffre depuis cinq mois et ils n'ont rien fait pour nous. Seul le Mouvement du 20-février nous aide", déplore en revanche Hanane Boudriss, veuve de Djamal Salmi, un tailleur qu'elle a épousé un an avant sa mort.

Beaucoup d'autres habitants d'Al Hoceima se sentent toutefois redevables à l'égard de Mohamed VI.

"Le roi est du côté du peuple. Les services de sécurité, les parlementaires et les trafiquants de drogue sont contre nous", explique Rabii, jeune homme de 24 ans attablé à un café avec vue sur la Méditerranée. "Le roi a fait ça. Avant, les bandits contrôlaient ce secteur la nuit", poursuit-il, montrant la corniche flambant neuve où les badauds continuent à flâner après minuit.

Pour les militants du 20-février, le roi a su user de son immense influence et de ses ressources pour faire tourner la situation à son avantage. Selon Mohamed el Majjaoui, un des militants actifs à Al Hoceima, il distribue depuis 2004 des licences de taxi ou des enveloppes de 10.000 à 20.000 dirhams (900 à 1.800 euros) aux chômeurs et aux nécessiteux.

"On entend de plus en plus de gens parler du roi comme de leur seigneur. Ce n'était pas le cas avant 2004", poursuit-il.

"Une majorité considèrent qu'en votant 'oui', ils voteront pour le roi et qu'en disant 'non', ils s'opposeraient à lui. Mais la majorité ne comprend pas grand chose à la Constitution, à cause de l'illettrisme très répandu", fait quant à lui valoir Mahmoud Ouahoud, autre militant démocrate.