À la suite d'une décision de justice, les subsides alloués au Programme européen d'aide alimentaire (PEAD), qui nourrit 13 millions d'Européens pauvres, vont bientôt se réduire comme peau de chagrin. Les associations caritatives s'insurgent.
Les associations caritatives crient au scandale. Le 20 juin, la Commission européenne a annoncé une baisse drastique de l’allocation que les Vingt-Sept versaient chaque année au Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) en puisant dans une partie (1%) du budget de la Politique agricole commune (PAC). À la suite d’une décision de justice européenne, le montant de l'aide sera en effet ramené de 500 millions d’euros annuels à 110 millions d’euros.
Saisie par l'Allemagne, avec le soutien de la Suède, la Cour de Justice européenne a déclaré illégale l'utilisation du fonds de la PAC pour ce qu'elle considère être un programme d'aide sociale. La Commission a bien tenté de pérenniser et d’améliorer le fonctionnement du programme, mais elle s'est heurtée à l'opposition de certains pays européens, dont l'Allemagne et le Royaume-Uni. "Ce problème est connu depuis trois ans et si les États qui opposent une minorité de blocage à l’évolution du règlement européen s’étaient manifestés plus tôt, nous ne serions pas dans cette impasse aujourd’hui", réagit Olivier Berthe, président des Restos du Cœur, à l’antenne de FRANCE 24.
"De nouvelles émeutes de la faim en Europe"
Pour les associations, cette décision laisse craindre une catastrophe alimentaire de grande ampleur. Le PEAD contribue au financement de 240 banques alimentaires venant en aide à plus de 13 millions de personnes à travers toute l’Europe. Selon les propres données de la Commission européenne, 43 millions de personnes sont menacés de pauvreté alimentaire.
En France, quatre associations sont directement concernées : le Secours populaire (que le PEAD finance à hauteur de 50%), les Banques alimentaires (33%), les Restos du cœur (23 %) et la Croix-Rouge.
Pour les Restos du cœur, la réduction du PEAD représenterait 20 millions de repas en moins à servir pendant l’hiver 2012. Pour le Secours populaire, cela correspondrait à la suppression de 517 000 repas en 2012… et la fin des distributions en 2013.
"Pour beaucoup de familles, les repas distribués grâce à l’aide sont la seule nourriture correcte qu’elles mangent, rapporte, ému, à FRANCE 24 Julien Lauprêtre, le président du Secours populaire. Nous sommes effarés par l’augmentation des jeunes en grande précarité. Mais ils veulent tous s’en sortir, alors on ne peut pas leur enlever ça." Et d’ajouter : "‘Ventres affamés n’a pas d’oreille’, dit le dicton populaire. Je pense que cela créerait de nouvelles émeutes de la faim en Europe."
La fin d’une tradition de solidarité européenne ?
La distribution gratuite de nourriture en Union européenne (UE) remonte à l’hiver de 1986-1987, à l’initiative du comédien et humoriste français Coluche, fondateur des Restos du cœur. Les stocks excédentaires de produits agricoles – initialement mis en place pour réguler les prix agricoles – ont alors été donnés à des associations caritatives. La mesure a été officialisée par la suite et basée sur des stocks d’intervention.
Bœuf, huile d’olive, riz, céréales ou sucre sont alors venus agrémentés, au fil des années, les repas des plus démunis. À mesure que les stocks ont diminué avec les réformes de la PAC entamées au début des années 1990, l’UE les a complétés en prélevant 1% du budget de la PAC.
Près de 80 millions d’Européens, soit 16% de la population, vit en dessous du seuil de pauvreté, selon Eurostat. Mais, avec la crise économique et la hausse des prix alimentaires, les chiffres ne cessent d’augmenter.
"Dans les États bénéficiaires du programme comme le Portugal, l’Espagne, la Grèce, et l’Italie, dont les finances publiques sont en difficulté, la situation va être dramatique. Des millions d’Européens vont devoir se passer d’une aide alimentaire directe et donc prendre des risques pour leur santé et leur sécurité alimentaire", alerte Olivier Berthe.
Les associations françaises ont lancé une campagne de sensibilisation commune "Sauvons les frigos de l’Europe", à destination des députés et ministres européens, afin qu’une réforme du PEAD soit menée pour favoriser l’accès des plus démunis à certaines denrées alimentaires de base et proposer un dispositif pérenne.
"Cette aide est la preuve de la dignité et de la volonté des États européens de respecter un pilier de la fondation de l’Europe, à savoir : permettre à chacun une autosuffisance alimentaire", rappelle Olivier Berthe.