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L'Afghanistan, pays le plus dangereux au monde pour les femmes

L’Afghanistan, suivi de la République démocratique du Congo - où le viol prend des proportions alarmantes - du Pakistan, de l'Inde et de la Somalie, est le pays le plus dangereux au monde pour la gent féminine, selon la fondation Thomson Reuters.

REUTERS - La violence, le délabrement du système de santé et la pauvreté font de l'Afghanistan le pays de la planète le plus dangereux pour les femmes, selon une étude
coordonnée par TrustLaw, une entité de la fondation Thomson Reuters.

La République démocratique du Congo, où le viol atteint des proportions alarmantes, le Pakistan, l'Inde et la Somalie suivent dans ce classement mondial établi sur des critères
allant des violences domestiques et des discriminations économiques jusqu'aux avortements sélectifs ou aux mutilations génitales.

"Le conflit en cours, les frappes aérienne de l'Otan et les pratiques culturelles conjugués font de l'Afghanistan un pays très dangereux pour les femmes", note Antonella Notari, head qui dirige le groupe Women Change Makers, un collectif de femmes chefs d'entreprise dans le monde.

"De plus, les femmes qui tentent de prendre la parole ou d'assumer des fonctions publiques qui défient les stéréotypes tenaces, établissant ce qui est acceptable pour les femmes et ce qui ne l'est pas, par exemple en travaillant comme policières ou
présentatrice de télévision, sont souvent victimes d'intimidations voire assassinées", ajoute-t-elle.

TrustLaw a interrogé 213 experts des "études de genre", spécialistes des rôles sociaux et économiques attribués aux hommes et aux femmes, sur six critères: la santé, les violences à caractère sexuel, les violences à caractère non sexuel, les
facteurs culturels ou religieux, les ressources économiques et le trafic.

L'accès aux soins

"Il est nécessaire d'observer tous les dangers auxquels les femmes sont exposées, tous les risques qu'encourent les femmes et les filles", relève Elisabeth Roesch, de l'International Rescue Committee à Washington. Les pratiques discriminantes,
estime-t-elle, ne font peut-être la Une des médias mais peuvent être aussi significatives que les bombes, les balles, les lapidations ou les viols systématiques en zone de guerre.

"Si une femme ne peut pas avoir au système de soins, parce que ce n'est pas considéré comme une priorité, cela peut déboucher sur une situation très dangereuse aussi", explique-t-elle.

Illustration en Afghanistan: selon les chiffres compilés par l'Unicef dans son rapport sur la Situation des enfants dans le monde, le taux de mortalité maternelle, c'est-à-dire le risque
pour une femme de mourir lors d'une grossesse ou en donnant naissance à un enfant, est de 1 pour 11, soit le plus élevé de la planète (à titre de comparaison, il est en moyenne de 1 sur 210 en Asie et de 1 sur 6.600 en France).

L'Afghanistan se distingue encore par le taux d'analphétisme des femmes (87%) et par les mariages forcés, qui concerneraient entre 70 et 80% des jeunes filles et des femmes. En Somalie, privée de toute structure étatique véritable depuis vingt ans, la santé, ou plutôt l'absence de système de santé, met également en péril les femmes.

"La chose la plus dangereuse qui puisse arriver à une femme en Somalie est d'être enceinte. Quand une femme est enceinte, sa vie devient du 50-50 parce qu'il n'y a pas du tout de soins anténataux, pas d'hôpitaux, pas de soins, rien", explique la ministre somalienne des Femmes, Maryan Qasim. En Somalie, le taux de mortalité maternelle est de 1 pour 14.
 
Viols et avortements sélectifs


La République démocratique du Congo (RDC), théâtre d'une guerre et d'une catastrophe humanitaire qui a fait jusqu'à 5,4 millions de lorts entre 1998 et 2003, arrive en deuxième
position de cette liste noire des pays les plus dangereux pour les femmes du fait principalement des viols qui y sont pratiquées.

Une étude récente de chercheurs américains a estimé que plus de 400.000 femmes y étaient violées chaque année.

"Les chiffres sur la RDC sont très révélateurs: un conflit en cours, le recours au viol comme une arme, le recrutement de femmes comme soldates qui sont aussi utilisées comme des esclaves sexuelles", note Clementina Cantoni, qui travaille au Pakistan pour le programme humanitaire ECHO de la Commission européenne. "Le fait que le gouvernement soit corrompu et que les droits des femmes soient très bas dans l'ordre des priorités signifie qu'elles très peu, voire aucune possibilité de recours en justice."

Au Pakistan, ce sont avant tout des pratiques culturelles, tribales et religieuses qui nuisent aux femmes. D'après les chiffres de la Commission nationale des droits de l'homme, un
millier de femmes et de filles sont victimes chaque année de "crimes d'honneur".

L'Inde est pour sa part stigmatisée pour le nombre élevé d'"avortements sélectifs" et d'infanticides. Parce que les fillettes sont considérées comme un poids économique, des
familles préfèrent avorter lorsqu'elles découvrent que le foetus est de sexe féminin.

Le Fonds population des Nations unies chiffre à 50 millions le nombre de "fillettes disparues" en Inde sur les cent dernières années. Des études récentes avancent le chiffre de 12 millions au cours des trente dernières années.

Les femmes indiennes sont aussi très exposées au trafic sous ses différentes formes. En 2009, Madhukar Gupta, alors ministre de l'Intérieur, avait avancé un chiffre de 100 millions de personnes, essentiellement des femmes et des filles, victimes de trafic (prostitution, travail forcé, mariage forcé).

"Il est vrai que les Asiatiques du Sud, en général, n'accordent pas de valeur à leurs filles, ce qui apparaît nettement dans l'évolution du ratio garçons/filles en Inde",
souligne Meenakshi Ganguly, directrice pour l'Asie de l'organisation Human Rights Watch (HRW).

"Cela provient pour une large part d'une tradition féodale, où les fils étaient les héritiers aussi bien que ceux à qui incombait la charge des personnes âgées. Mais depuis lors, cela s'est enraciné dans les attitudes, et les femmes sont simplement considérées comme des inférieures", ajoute-t-elle.

Elle cite l'affaire Mukhtaran Mai, une Pakistanaise violée en 2002 par 14 hommes qui voulaient laver l'honneur de leur village. Six de ses agresseurs ont été condamnés à mort pour ce viol, mais la Cour suprême a prononcé cette année l'acquittement de cinq d'entre eux, le sixième voyant sa peine commuée en réclusion criminelle à perpétuité.