Au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement et de la libération de centaines de prisonniers, des dizaines de milliers de personnes manifestent à Banias et à Deraa, épicentre de la contestation qui secoue la Syrie depuis un mois.
AFP - Des dizaines de milliers de Syriens ont manifesté vendredi contre le régime à travers tout le pays, malgré la libération de manifestants arrêtés depuis le début du mouvement de contestation il y a un mois, et au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement chargé de mener des réformes.
"Entre 2.500 et 3.000 personnes manifestent sur la place al-Saraya dans le centre de Deraa en scandant des slogans en faveur de la liberté et hostiles au régime", a affirmé à l'AFP un militant des droits de l'Homme sous couvert de l'anonymat, en référence à cette ville située à 100 km au sud de Damas où a débuté la contestation.
"Plutôt la mort que l'humiliation", scandaient selon lui les manifestants. D'autres sont "en train de venir des villages voisins", a-t-il dit. Les forces de sécurité n'étaient pas intervenues en milieu de journée.
A Qamishli, dans le nord-est du pays à majorité kurde, près de 5.000 personnes ont manifesté après la prière, a affirmé à l'AFP un autre militant des droits de l'Homme, Hassan Berro.
Elles ont défilé à partir de la mosquée Qasmo en scandant des slogans de solidarité avec les personnes tuées pendant la répression de récentes manifestations à Deraa et Banias (nord-ouest). "De Qamishli au Haurane (région du sud), le peuple syrien ne se laissera pas humilier", ont-elles crié en brandissant des drapeaux syriens.
Dans trois autres localités kurdes, Raas al-Aïn, Amouda et Derbassiyé, près de Qamishli, on a compté quelque 4.500 manifestants, selon M. Berro.
Selon des militants et des témoins, des centaines de personnes ont défilé à Banias aux cris du "peuple veut la liberté".
A Homs (centre), quelques 4.000 autres scandaient "liberté, liberté", a indiqué le militant politique Najati Tayara. Les forces de sécurité sont intervenues au bout d’une heure pour les disperser à coups de matraques.
A Lattaquié, ville côtière où des violences meurtrières avaient éclaté fin mars, un millier de personnes se sont rassemblées dans le centre de la ville, selon un militant des droits de l'Homme.
Une cinquantaine de personnes ont manifesté à Barzé, près de Damas. Elles ont jeté des pierres sur les policiers avec lesquels elles en sont venus aux mains, selon Abdel-Karim Rihaoui, président de la Ligue syrienne des droits de l'Homme.
Ces nouvelles manifestations, auxquelles avaient appelé les contestataires sur Facebook, interviennent au lendemain de la formation d'un nouveau gouvernement.
Ce cabinet dirigé par Adel Safar a pour tâche de mener un programme de réformes comprenant notamment la levée de la loi d'urgence, en vigueur depuis 1963, la libéralisation de la presse et l'instauration du pluralisme politique, autant de mesures réclamées par les manifestants.
Les titulaires des principaux ministères, notamment ceux de la Défense, des Affaires étrangères et du Pétrole restent cependant inchangés. L'ancien gouvernement, dirigé depuis 2003 par Mohammad Naji Otri, avait démissionné le 29 mars.
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a annoncé la libération jeudi et vendredi de "centaines" de personnes "arrêtées" lors de manifestations dans plusieurs villes du pays.
L'OSDH fait notamment état de la libération du blogueur Ahmad Hadifa, "arrêté le 23 mars en raison de ses activités sur Facebook", et du poète Mohammad Mahmoud Dibo, arrêté le 19 mars près de Banias.
Jeudi soir, la télévision d'Etat avait annoncé que le président Bachar al-Assad avait décidé de libérer les personnes arrêtées, à l'exception de ceux qui ont commis des "actes criminels".
L'organisation Human Rights Watch (HRW) a accusé jeudi les services de sécurité syriens d'avoir torturé de nombreux manifestants parmi les centaines arrêtés depuis le début du mouvement de contestation. Selon Amnesty International, au moins 200 personnes ont été tuées dans la répression, la plupart par les forces de sécurité ou par des policiers en civil.
Les autorités accusent des bandes "criminelles" ou "armée" d'être responsables des tirs qui ont tué des manifestants et des forces de l'ordre.