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Maikel Nabil est le premier blogueur égyptien depuis la chute d’Hosni Moubarak à avoir été condamné pour des propos tenus en ligne. Son crime ? Avoir critiqué l’armée. Ses avocats dénoncent une survivance de l’ancien régime.

L’Égypte semble avoir du mal à solder ses comptes avec l’ère Moubarak. Un bloggeur vient d’en faire l’amère expérience. Maikel Nabil a été condamné, lundi, à trois ans de prison pour avoir critiqué en ligne l’institution militaire. C’est la première fois depuis la chute de l’ancien président Hosni Moubarak, le 18 janvier, qu’un Égyptien est envoyé en prison pour avoir exprimé ses opinions.

"C’est un jugement digne de l’époque d’Hosni Moubarak", dénonce à FRANCE 24 Ahmet Ezzat, juriste égyptien et membre de l’Association pour la liberté d’expression et de pensée. Arrêté le 28 mars, Maikel Nabil a été déféré devant un tribunal militaire, ce qui est "totalement illégal vu qu’il s’agit du procès d’un civil", affirme à FRANCE 24 Heba Morayef, spécialiste de l’Égypte et de la Libye pour l’association de défense des droits de l’Homme Human Right Watch. Les autorités militaires égyptiennes lui reprochent d’avoir appelé sur son blog à la fin de la conscription, appel qui aurait un "effet négatif sur la jeunesse égyptienne".

Le tribunal militaire s’est aussi permis quelques libertés avec les droits de la défense. Le bloggeur a, ainsi, été condamné en l’absence de ses avocats lundi. "Le chef du tribunal nous avait affirmé que le jugement serait rendu le mardi 12 avril", raconte à FRANCE 24 Ali Atef, l’un des avocats de Maikel Nabil, toujours sous le coup de la surprise.

Le nouveau tabou

Ce verdict pour des propos tenus en ligne a d’autant plus d’importance qu'Internet a largement contribué à la révolution égyptienne. Pour autant, ce n’est pas la première fois que les autorités militaires succombent à des pratiques d’antan d’après les organisations de défense des droits de l’Homme. "Plusieurs personnes qui ont participé aux manifestations du 9 mars place Tahrir [qui appelaient à juger Hosni Moubarak et critiquaient certains responsables militaires, NDLR] ont été arrêtées, jugées par un tribunal militaire et condamnées à des peines de prison", rappelle Ahmet Ezzat.

Il affirme que tant que certaines lois, comme celles sur les partis politiques ou la liberté de la presse, n’auront pas été abrogées, les "mentalités des Égyptiens auront beau avoir changées, le régime pourra toujours succomber aux mêmes dérives".

"L’armée est devenu le nouveau mot tabou en Égypte", se désole de son côté Ali Atef, l’avocat de Maikel Nabil. Un interdit qui serait, selon lui, encore plus accentué qu’à l’époque d’Hosni Moubarak. "Les médias traditionnels évitent de parler des militaires et les seuls qui osent évoquer l’armée sont actuellement les bloggeurs", remarque-t-il.

"Il ne faut pas se leurrer, la transition démocratique ne se fait pas en quelques mois, il faudra des années pour y arriver", souligne Ahmet Ezzat. En attendant, Maikel Nabil aurait été transféré, d’après son frère, à la prison de Tora. Ses avocats ont l’intention de faire appel de sa condamnation… toujours devant un tribunal militaire.