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En dépit des demandes répétées de Français cloîtrés dans leur demeure d'Abidjan, Paris hésite à lancer ses opérations d'évacuation. Sur les 12 000 ressortissants français vivant en Côte d'Ivoire, seuls 1 200 ont quitté le pays. Explications.

Malgré les demandes répétées et exaspérées de Français d'Abidjan cloîtrés dans des maisons prises pour cibles par des pillards, le Quai d’Orsay demeure imperturbable. "Nous n’attendons rien pour évacuer, car nous ne sommes pas du tout dans cette optique. Ce n’est pas d’actualité. Nous sommes sur du confinement et du regroupement", répond à FRANCE 24 un membre de la cellule de crise Côte d’Ivoire qui souhaite garder l’anonymat.

Confinement et regroupement, soit les deux recommandations faites aux citoyens français installés en Côte d’Ivoire : rejoindre volontairement l’un des trois points de rassemblement mis en place à Abidjan (la base militaire de Port-Bouët, l’ambassade de France, et l’hôtel Le Wafou), ou rester cloîtré chez soi.

Une opération complexe et coûteuse

Depuis l’intensification de l’offensive contre le camp Gbagbo, un petit millier de Français a été évacué du pays via Lomé (Togo) et Dakar (Sénégal). Un autre petit millier est réfugié au camp français de Port-Bouët.  Les autres, quelque 10 000 personnes, sont donc restés chez eux à Abidjan.

Évacuer tout le monde ? "L’opération est très complexe", se défend cette même source au ministère des Affaires étrangères. Beaucoup plus, par exemple, que l’évacuation des Français de Libye. En février, il avait suffit de trois avions affrétés à Tripoli pour évacuer plus de 650 personnes.

Le précédent de 2004

En novembre 2004, alors que l'assaut de l’armée ivoirienne contre la base militaire de Bouaké fait 10 morts, dont neuf soldats français, la Côte d’Ivoire s’embrase et Paris décide, à mots couverts, de rapatrier tous ses ressortissants qui en font la demande.

Le pays compte alors 14 000 Français et binationaux, dont certains sont attaqués, harcelés, parfois violés, par des partisans de Laurent Gbagbo. Environ 8 000 personnes, dont une grande majorité de Français, sont évacuées en quelques jours depuis la base de Port-Bouët, essentiellement par voie aérienne.

Mais les Français de Côte d’Ivoire sont environ 12 000 (dont 7 000 binationaux). Paris était parvenu à évacuer 8 000 Français en 2004 (voir encadré ci-contre) mais la procédure devrait prendre cette fois-ci davantage de temps et nécessiterait la mobilisation d’une flotte importante. L'opération serait également coûteuse : en 2004, elle s'était élevée à plus de 6 millions d'euros.

Pourtant, sur ces 12 000 ressortissants, "tous ne souhaitent pas quitter leur lieu de résidence", rappelle-t-on au Quai d’Orsay. "Des gens ne veulent pas quitter leurs habitations, ils savent que s'ils partent, leur maison serait certainement pillée. D'autres veulent être mis en sécurité, mais ne veulent pas s'éloigner plus que ça", indiquait ce jeudi à l'Agence France-Presse (AFP) le porte-parole de l'état-major, le colonel Thierry Burkhard.

1 200 évacuations depuis le début de la semaine

Le rôle de Paris en Côte d’Ivoire complique également les choses puisque l’ancienne puissance coloniale est aujourd’hui le "pays-pilote" dans la protection et l’évacuation des ressortissants étrangers en Côte d’Ivoire, et pas uniquement des Français. Une responsabilité presque naturelle pour un pays dont les forces armées sont placées sous mandat de la Mission des Nations unies en Côte d'Ivorie (Onuci). En outre, Paris dispose sur place des ressources militaires les plus importantes et les plus expérimentées (1 700 hommes) ainsi que des relais logistiques nécessaires (flottes militaires au Togo et au Sénégal). Impossible pour la France d’évacuer 12 000 de ses ressortissants et de laisser les autres (européens et étrangers) sur place.

Ainsi, le camp militaire français de Port-Bouët, situé à proximité de l'aéroport international Félix-Houphouët-Boigny, accueille autant, sinon plus, de ressortissants étrangers que de Français (environ 2 000). Sur les 167 personnes évacués dimanche soir de la capitale économique ivoirienne vers Dakar, on trouvait des Français mais aussi des Libanais (une communauté très importante à Abidjan) et d’autres étrangers. Environ 1 200 personnes, françaises et étrangères, ont été évacuées de Côte d’Ivoire depuis le début de la semaine, dont 315 mercredi soir.

Dernier argument de la diplomatie française pour repousser une éventuelle évacuation : "aucun pays n’a fait revenir ses ressortissants de Côte d’Ivoire", se justifie-t-on au ministère des Affaires étrangères. Officiellement du moins. La Mauritanie a demandé, à la mi-mars, à l’Organisation internationale des migrations (OMI) son aide pour évacuer 400 de ses ressortissants.

Un certain nombre de Libanais d’Abidjan ont, pour leur part, essayer de fuir, et un premier avion a atterri mercredi matin à Beyrouth, comme l’indique un article du quotidien libanais en langue française "L’Orient-Le Jour".

De même, le sauvetage mercredi du personnel de l’ambassade japonaise à Abidjan signifie probablement la fermeture de la représentation nippone en Côte d’Ivoire, donc un retour vers le Japon de tous leurs citoyens. Ce jeudi, Israël a également demandé à Paris de l’aider à évacuer son corps diplomatique de Côte d’Ivoire.