Bloqués chez eux, pris entre les feux des partisans de Gbagbo et de Ouattara, de plus en plus de Français installés à Abidjan reprochent à Paris de ne pas convenablement les prendre en charge et assurer leur sécurité.
"On reste barricadés chez nous, sans eau ni nourriture et parfois sans électricté. On ne peut pas sortir sans craindre les tirs embusqués ! On a vraiment besoin d’aide". Ce type d'appel au secours, lancé par Thomas (tous les prénoms ont été modifiés, ndlr) un résident français d’Abidjan, devient récurrent ces jours-ci. Comme lui, plusieurs ressortissants de l’Hexagone installés dans la capitale économique ivoirienne sont désemparés. Contactés par France24.com, ils disent craindre pour leur sécurité, déplorent la pénurie alimentaire, et se plaignent des autorités françaises dont la prise en charge de leurs compatriotes est affligeante.
"Deux balles perdues ont traversé mes fenêtres"
"J’ai attendu trois jours avant de rentrer en contact avec la Licorne [Force française en Côte d’Ivoire, ndlr]. Leur ligne d’urgence était constamment occupée", assure Jean qui réside à Abidjan depuis cinq ans. "Idem pour les lignes de l’ambassade, personne n’a répondu", ajoute-t-il. En appelant les autorités il y a une semaine, Jean ne souhaitait pas être évacué mais obtenir des rations alimentaires pour tenir quelques jours. Face à une réponse négative et sans un sou en poche, c’est le système D qui s’est progressivement mis en place. "Maintenant, je fais bouillir l’eau de ma piscine pour la boire ou faire ma lessive", confie-t-il. Et pour les repas, même galère. "On s’entraide entre voisins, hier ce sont des amis libanais qui m’ont préparé un repas. Et demain, je ne sais pas… En tous cas, on peut difficilement compter sur les autorités françaises pour nous ravitailler", regrette-t-il.
Le plus souvent, les Français interrogés tiennent le gouvernement français pour responsable de leur désarroi. Julia, mère de deux enfants, "coincée" à Marcory, dans le centre d’Abidjan, n’attend qu’une chose : son évacuation vers Lomé ou Dakar. Terrorisée par "les combats de rues", elle se terre chez elle avec ses filles en attendant une aide de son pays d’origine. "Depuis six jours, j’attends qu’on vienne nous chercher. Six jours que la Licorne a promis de m'aider, c’est scandaleux de patienter aussi longtemps lorsqu’on a des enfants !", tempête-t-elle au téléphone. "Deux balles perdues ont déjà traversé la fenêtre de la chambre d’une de mes filles. Je me sens vraiment abandonnée".
"La Licorne fait tout son possible"
Un sentiment que partage Thomas. Il reproche à l’ambassade française à Abidjan sa passivité et "l’absurdité" de ses consignes de sécurité. "Elle [l’ambassade, ndlr] nous laisse entendre que c’est par nos propres moyens qu’il faut se rendre dans un des trois points de sécurité [à Port Bouët, à l’hôtel Wafou et à l’ambassade de France, ndlr] mis en place à Abidjan", s’offusque-t-il. "Comment fait-on, on court à travers les balles ?", ironise-t-il.
Face à ce flot de critiques, l’ambassade française en Côte d’Ivoire, contactée par France24.com, botte en touche. "On comprend que les gens soient stressés, on tente de les rassurer mais on ne peut pas tous aller les chercher à leur domicile", explique un des employés, sous couvert d’anonymat, "La Licorne et l’Onuci font leur maximum mais ne peuvent pas tout gérer en même temps".
Pour le moment, la France qui a appelé au "regroupement sans délai" de tous ses ressortissants vivant à Abidjan, ne prévoit aucune évacuation.