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L'artiste dissident Ai Weiwei soupçonné de "crimes économiques"

Une enquête pour "crimes économiques" a été ouverte contre Ai Weiwei, annonce ce jeudi l'agence officielle Chine nouvelle. L'artiste dissident a été arrêté dimanche à l'aéroport de Pékin et emmené vers un lieu de détention tenu secret.

AFP - La Chine a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête pour "crimes économiques" à l'encontre de l'artiste contestataire Ai Weiwei, dont les proches restaient sans nouvelles quatre jours après son arrestation et dont les pays occidentaux ont réclamé la libération.

Le sort d'Ai Weiwei est suivi de près sur la toile

Un liveblogging sur le site américain HyperAllergic, actualisé heure par heure, lui est consacré. Un groupe sur Facebook a été créé ce lundi. Alison Klayman, journaliste indépendante basée à Pékin, et qui a tourné un film consacré à Ai Weiwei, "Never sorry" dont la sortie est prévue pour 2011, publie régulièrement des tweets (@aliklay) sur la situation. Elle rapporte ainsi que le site de microblogging chinois Sina Weibo regorge de gazouillis qui s’enquièrent du sort de l’artiste.

L'information rapportée par l'agence officielle Chine nouvelle n'a pas été notifiée à sa famille, qui vit toujours dans une attente angoissante. L'artiste a été arrêté dimanche à l'aéroport de Pékin et emmené vers un lieu de détention tenu secret.

"Je n'ai pour l'instant aucune nouvelle des autorités sur le sort de Ai Weiwei. Je suis dans l'attente de ses nouvelles", a déclaré à l'AFP Lu Qing, son épouse, la voix étouffée par des sanglots.

Sa mère Gao Ying, a déclaré à l'AFP ne pas "croire à ces accusations de crimes économiques" qu'elle a qualifiée "d'inacceptables".

"Je ne pense pas que ce soit la raison pour laquelle ils l'ont emmené. Ai Weiwei n'est pas un criminel, c'est un artiste en quête de justice", a poursuivi la veuve du poète Ai Qing, lui-même tour à tour honoré par les communistes, puis banni et enfin réhabilité.

Ai Weiwei, qui a contribué à la réalisation du "nid d'oiseau", le stade des jeux Olympiques de Pékin, s'est souvent heurté au pouvoir en le critiquant vertement, qualifiant par exemple les dirigeants chinois de "gangsters", ou en défendant des causes humanitaires ces dernières années.

En janvier, son atelier dans la banlieue de Shanghai a été démoli. L'artiste avait été brièvement placé en résidence surveillée trois mois auparavant pour avoir voulu "célébrer" avec ses fans l'annonce de cette destruction.

L'arrestation de Ai, qui expose actuellement à la Tate Modern de Londres et paraissait relativement protégé par sa notoriété, a soulevé une vague d'indignation à l'étranger.

Les Etats-Unis se sont dits "très préoccupés par la pratique des disparitions forcées" et des condamnations de militants des droits de l'Homme en Chine, et ont demandé la libération de l'artiste, de même que la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

L'ambassadeur de l'Union européenne à Pékin s'est dit inquiet de "l'usage croissant de la détention arbitraire" en Chine.

A l'intention de ceux qui espèrent que ces pressions seront utiles, le quotidien officiel Global Times a publié jeudi un éditorial intitulé "Les critiques occidentales ne changeront pas la Chine".

"D'un point de vue historique, la société chinoise a besoin de personnes comme Ai. Toutefois, il est plus important de réprimer les comportements provocants de gens comme lui, parce que le but des critiques occidentales des droits de l'Homme est de déstabiliser la Chine politiquement", selon ce journal.

Le Global Times avait jugé mercredi que l'artiste, connu pour ses oeuvres monumentales, s'apprêtait à "franchir la ligne rouge". Pour le pouvoir, elle était apparemment déjà franchie.

L'arrestation de Ai Weiwei intervient dans le sillage de nombreuses autres interpellations ou disparitions de militants des droits de l'Homme depuis février.

Ces arrestations et disparitions se sont multipliées depuis des appels lancés sur des sites internet basés à l'étranger à des "rassemblements du jasmin" dans les principales villes chinoises, inspirés des soulèvements populaires qui ont fait tomber les régimes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte.

Avant même les révoltes au Proche-Orient, la surveillance et les mesures d'intimidation contre les opposants avaient commencé à se renforcer à l'automne dernier après l'attribution du prix Nobel de la paix au dissident réformateur Liu Xiaobo, qui purge une peine de 11 ans de prison pour avoir demandé l'avènement d'une démocratie pluraliste en Chine.