
Le premier site d’information au monde a-t-il adopté la bonne stratégie en érigeant un mur payant pour ses plus fidèles lecteurs ? Le New York Times a mis en place un système d’abonnement compliqué. Et surtout très poreux.
Le site d’information le plus visité au monde, celui du New York Times, est entré, ce lundi, dans une nouvelle ère. Celle du payant. Un pari qui, espère le célèbre quotidien américain, ne doit pas lui faire perdre les près de 30 millions de visiteurs uniques par mois habitués à recevoir leur dose quotidienne d’informations sans débourser un centime. Pour y parvenir, le journal a mis en place un système d’abonnement jugé compliqué et très poreux par plus d’un internaute.
Le but du New York Times est de ne faire payer que les plus "accros" de ses lecteurs. "C’est avant tout un investissement dans le futur", écrit sur le site, lundi, Arthur Sulzberger Jr., le directeur du quotidien. Pour l’heure, le lecteur ne paie qu’à partir du 21ème article consulté dans un délai d’un mois. Au-delà, l’internaute peut continuer à lire sans compter s’il arrive sur un article depuis Twitter, Facebook ou un blog. Il a même droit à cinq visites gratuites par jour depuis les moteurs de recherche. Sans compter que ceux qui sont abonnés à la version papier ont également un accès gratuit au site.
Prolifération des stratégies de contournement
Pour se retrouver confronté au "mur" du payant, il faut donc être un gros consommateur du site. Et le New York Times n’est pas tendre avec ceux qu’il appelle "les lecteurs les plus fidèles". Ils devront payer 15 dollars par mois pour l’accès au site et à l’application sur smartphone, 25 dollars pour le site et la version iPad et 35 dollars pour l’ensemble. Le Times ne demande pour sa part que 13 dollars par mois pour l’offre rassemblant tous ses services.
Pourtant, malgré la souplesse du modèle pour "les lecteurs occasionnels", le passage au payant ne s’est pas fait sans heurts. Très vite, des méthodes de contournement du mur payant ont vu le jour.
Le premier à avoir trouvé la brèche technique dans la muraille est un informaticien canadien – le système d’abonnement avait été testé une semaine au Canada avant son déploiement mondial. Il a publié, la semaine dernière, un petit code qui permet de ne jamais avoir à payer. Un autre internaute a créé un fil Twitter qui publie des liens vers tous les articles du quotidien, ce qui permet de les consulter gratuitement. Enfin, deux anciens employés de Google ont mis en place "New York Times for a nickel" [Le New York Times pour rien, NDLR], un site qui permet de consulter le journal sans payer.
NYT vs Murdoch
Pourquoi alors avoir payé 40 millions de dollars un mur payant aussi troué ? Le New York Times a bien demandé à Twitter et aux deux anciens de Google d’arrêter leurs initiatives mais en précisant qu’il n’allait pas porter plainte en justice. "Il y aura toujours quelques malins pour contourner le système", concède, philosophe, un porte-parole du journal.
Un laissez-faire qui paraît étonnant au premier abord, mais qui, si l'on observe le destin de l’autre grand projet de mur payant, celui de l’empire Murdoch, est finalement conforme à l'ère du temps. En juin 2010, le magnat de la presse Robert Murdoch décidait d’ériger un modèle payant beaucoup plus contraignant pour toutes ses publications. Pour le Times britannique, un de ses fleurons, ce passage au tout payant a été saignant : de 21 millions de visiteurs mensuels il est passé, en fin 2010, à 2,5 millions. Un destin que le New York Times qui se targue d’être la référence sur le Net ne veut sûrement pas connaître.