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À Dhibat, solidarité transfrontalière et petits trafics

envoyée spéciale à Dhibat, Tunisie – Les tensions politiques n'arrêtent pas les trafics transfrontaliers entre la Tunisie et la Libye. Mais au poste de Dhibat, côté tunisien, une certaine solidarité entre voisins se développe, en marge des "affaires" et de l’insurrection.

À Dhibat, à quelques kilomètres d'un des postes frontière du sud de la Tunisie, Imed, chef des services techniques de la commune, compte anxieusement le nombre de poids lourds entrant en Tunisie. Selon ce fonctionnaire, 40 % des entreprises de son pays dépendent du commerce avec la Libye.

Ce dimanche midi, deux camions sont passés avec pour destination Tunis. C’est la première fois depuis dix jours que le chauffeur du premier des deux poids lourds prend la route.

La situation a beau être tendue, l’instabilité politique de la Tunisie, puis de la Libye, n’a pas fait cesser les échanges frontaliers. Les petits trafics – le "trabendo" comme on dit ici – demeurent florissants.

Car ce qu’Imed confie moins volontiers à ses interlocuteurs occidentaux, c’est qu’il est également soucieux pour ses propres affaires. "Pour la Tunisie et l’Égypte, la Libye constitue une mine d’or", dit-il.

En effet, c’est la Libye qui alimente l’économie locale en écrans plasma, téléphones portables, tabac, essence… En Tunisie, non loin des stations essence officielles, il y a les stations officieuses. Pas de pompe, mais des bidons et des tuyaux pour remplir manuellement les réservoirs, pour 1,1 dinar le litre - contre 1,5 en station.

"Maintenant, avec leur soi-disant liberté, on n'a plus rien. Plus rien ne passe, les robinets sont fermés, explique Imed. Tu parles de démocratie ! On n'a pas l’habitude de la démocratie. Donne-moi à manger, garantis ma sécurité et fais ce que tu veux ! "

Denrées alimentaires, couches et autres biens

Pourtant, solidarité oblige et avec la menace d'une guerre civile qui se profile en Libye, Imed et les autres habitants de Dhibat font plusieurs exceptions aux affaires, pour aider leurs voisins.

Dans un hangar tout proche du poste frontière, une dizaine d’hommes s’affairent à remplir une camionnette immatriculée en Libye de denrées alimentaires, de couches et d'autres biens de la vie courante octroyés par des Tunisiens. Pour repartir vers la localité de Nalout, distante de 68 km, la camionnette contournera le poste douanier et prendra la route de la montagne.

Ce genre de scène se déroule cinq à sept fois par jour, depuis environ deux semaines. Ce sont des Libyens comme Béchir, fonctionnaire et père de famille de Nalout, qui viennent chercher de quoi ravitailler les villages de cette région montagneuse qui ont rejoint la résistance contre le régime de Kadhafi.

Mais l’atmosphère est changeante dans la région. Selon Béchir, des incidents ont eu lieu 48 heures plus tôt entre des insurgés (armés de kalachnikov) et des militaires en contrebas de la montagne, entre Ouatia et Sorman. Plusieurs blessés sont à déplorer. Les insurgés auraient fait 19 prisonniers - "tous des mercenaires à la solde de Kadhafi", estime Béchir.

Selon des informations confirmées par un gendarme tunisien, les rebelles tiennent les  villes de Nalout et de Zentane, dans la montagne, tandis que la route en contrebas et les accès aux postes frontière sont aux mains des militaires.

"On est prêts à aller jusqu’au bout", dit-il en faisant mine de se trancher la gorge. Les Libyens hostiles au régime de Tripoli peuvent en tout cas compter sur l'appui logistique des Tunisiens de Dhibat.
 

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