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Les riches sont-ils économiquement utiles ?

Bercy révèle que chacun des 100 Français les plus riches gagnent chaque année l'équivalent de 1000 ans de salaire d'un Français moyen... Quel est l'utilité de ces ultra-aisés sur l'économie française ?

Le petit club des ultra-riches est assis sur un très gros pactole. Selon une note interne du ministère de l’Économie et des Finances révélée lundi par le site de l’hebdomadaire "Marianne", les 100 personnes les plus riches de France détiennent, à elles seules, 2,8 milliards d’euros. Leur revenu fiscal annuel est lui, en moyenne, de 28,7 millions d’euros, contre 22 202 euros pour le contribuable français moyen.

Le quotidien économique français "La Tribune" révélait en octobre dernier que la France était la troisième terre d’asile de la planète pour les millionnaires, derrière les États-Unis et le Japon.

Reste une question : ces (très) riches sont-il utiles à l’économie française ? Deux économistes interrogés par FRANCE 24, Henri Sterdyniak, directeur du département "Économie de la mondialisation" au Centre de recherche en économie de Science Po, et Vincent Frigant, économiste au sein du Groupe de recherche en économie théorique et appliquée de l’université Bordeaux-IV, semblent en douter...

Les riches consomment-ils davantage ? "En valeur absolue, cela ne fait aucun doute", remarque Henri Sterdyniak. Mais ils n’y consacrent qu’une petite partie de leurs revenus, tandis que les moins aisés consomment bien davantage au regard de leurs salaires. "C’est pour cela qu’on dit qu’une augmentation des salaires des moins aisés est un moyen beaucoup plus efficace d’augmenter la consommation", explique Vincent Frigant.

Surtout, les plus riches consomment différemment. "Ils ont une consommation ostentatoire qui sert à se différencier des autres", relève encore Henri Sterdyniak. Du luxe et du bling-bling qui peut servir le "made in France", car la concurrence de la Chine et des autres pays émergents n’est pas encore très forte dans ces secteurs. Ils voyagent également bien plus, si bien qu’une partie non-négligeable de leurs dépenses est réalisée à l’étranger.

Les riches favorisent-ils l’emploi ? Indirectement, oui. Leur consommation de biens de luxe augmente en effet la demande dans ce secteur d'activité où les entreprises françaises sont très présentes, ce qui peut les inciter à recruter. En revanche, leur impact direct sur l’emploi est beaucoup moins évident. "Certes, pour accéder à la richesse, ces personnes ont créé des emplois à travers leurs entreprises", estime Henri Sterdyniak. Mais une fois qu’ils ont intégré le club des riches, "la plupart d’entre eux placent leur argent entre les mains de gestionnaires spécialisés et ne savent plus ce que devient leur fortune", juge Vincent Frigant.

• Les riches sont-ils plus solidaires ? "On est plutôt tenté de dire le contraire !", affirme Vincent Frigant. Henri Sterdyniak ajoute qu’en matière de dons, "les ménages les moins aisés versent proportionnellement plus d’argent que les riches aux œuvres caritatives". La solidarité par l’impôt est également en recul. "Depuis cinq ans, toutes les mesures prises en la matière ont contribué à faire baisser l’impôt sur le revenu, notamment des plus riches, rappelle Vincent Frigant. Le discours du pouvoir actuel a été qu’il fallait faire baisser la pression fiscale pour éviter l’évasion fiscale des plus riches", souligne Vincent Frigant, alors qu’elle "ne touche qu’une petite partie de ce petit cercle des très riches".

• Les riches favorisent-il l’innovation ? Les États-Unis ont Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, ou Steve Jobs, le PDG d’Apple. Et la France ? "La plupart des fortunes récentes apparues dans l'Hexagone se sont construites sur l’innovation", reconnaît Henri Sterdyniak, à l'image de Xavier Niel, le patron de Free, et de Marc Simoncini, le fondateur de Meetic, qui investissent dans de jeunes start-up. "lls sont aussi les premiers à acheter les dernières innovations technologiques comme les écrans plats", remarque Henri Sterdyniak. Mais la plupart de ces gadgets ne sont pas construits en France...

• Les riches sont-il un exemple motivant ? Selon une antienne libérale, les disparités de salaires seraient un moteur de croissance car elles pousseraient les moins riches à gravir l’échelle sociale. Un argument qui ne convainc toutefois pas tout le monde. "Les Trente Glorieuses en France ont eu lieu alors qu’il y avait de très faibles disparités de revenus", rappelle Henri Sterdyniak. "Ce sont dans les périodes où les inégalités se réduisent que les investissements augmentent", rappelle quant à lui Vincent Frigant.