L'armée, qui dirige l'Égypte depuis la chute du président Hosni Moubarak, a appelé à l'arrêt des mouvements sociaux qui se multiplient dans le pays pour réclamer des hausses de salaires et une amélioration des conditions de travail, ce lundi.
Après les revendications politiques, la contestation populaire en Égypte a glissé sur le terrain social, lundi. Des groupes de grévistes, étudiants, ambulanciers, banquiers ou fonctionnaires ont manifesté dans différents quartiers de la capitale égyptienne pour réclamer des hausses de salaires et une amélioration des conditions de travail.
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Le Conseil suprême des forces armées, qui plaide pour un retour à l’ordre public et une reprise de l’économie, a demandé aux syndicats l’arrêt des mouvements sociaux. Dans un communiqué lu à la télévision d'État, l'armée a affirmé que "les Égyptiens honorables voient que ces protestations en ce moment délicat" ont des "conséquences négatives" pour le pays.
Des arrêts de travail et des manifestations ont eu lieu dans les transports, la banque, le secteur pétrolier, l’industrie textile ainsi qu’au sein de médias officiels et de certains organismes gouvernementaux."Il est difficile de dire exactement combien de personnes sont en grève et où", a affirmé à l'AFP Kamal Abbas, le responsable du Centre des services pour les syndicats et les ouvriers (CTWS), un organisme indépendant spécialisé dans les affaires sociales.
Par ailleurs, une foule d’irréductibles opposants investissent toujours la place Tahrir, nouvelle "agora" cairote. Une foule hétéroclite de près de 2 000 personnes s’y est retrouvée dans la journée de lundi, interrompant le trafic autour du rond-point, quelques heures seulement après l'évacuation de la zone par la police militaire et l'armée.
Vers un amendement de la Constitution
Dimanche, l'armée égyptienne a commencé à démanteler les institutions du régime d’Hosni Moubarak après que le président déchu lui a cédé le pouvoir, vendredi soir.
Le Conseil suprême a ainsi annoncé la dissolution de l’Assemblée du peuple et de la Choura - les deux chambres du Parlement - et la création d'une commission pour amender la Constitution dont les conclusions seront soumises à un réferendum d'ici à deux mois. Les amendements constitutionnels devraient être finalisés dans les dix prochaines jours.
Le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, qui dirige le Conseil, a également indiqué qu’il présiderait aux destinées du pays jusqu’à l’organisation des prochaines élections législatives et présidentielle, prévues pour septembre prochain.
Des décisions que les Cairotes jugent dans leur ensemble "positives", selon Melissa Bell, envoyée spéciale de FRANCE 24 en Égypte. Mais la transition politique s’annonce difficile, poursuit celle-ci.
L’Égypte de l’après-Moubarak fidèle à ses obligations internationales
Selon l’envoyée spéciale de FRANCE 24 toujours, "la population, dans son ensemble, fait confiance aux militaires mais reste vigilante, car l’armée n’a toujours pas répondu à deux de leurs revendications : la libération des prisonniers politiques et la levée de l’état d’urgence."
itDe son côté, le Premier ministre, Ahmed Chafik, a déclaré que sa première priorité était de "restaurer la sécurité et de faciliter la vie quotidienne de la population". Il a également assuré que l'ex-président était toujours dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, au bord de la mer Rouge, démentant les rumeurs d'un départ à l'étranger.
Dimanche toujours, près de 1 000 policiers ont par ailleurs défilé devant le ministère de l'Intérieur pour réclamer des hausses de salaires, de meilleures conditions de travail et la condamnation à mort de leur ancien ministre, Habib el-Adli, révoqué sous la pression de la rue à la fin de janvier. Accusés de corruption et méprisés par une grande partie de la population, les policiers ont souhaité se rassembler "pour leur honneur". "Nous ne sommes pas des traîtres", a-t-on entendu dans les cortèges. Ils ont assuré qu'ils avaient reçu des ordres pour réprimer avec brutalité les manifestations qui avaient débuté le 25 janvier.
Du côté des relations internationales, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui a indiqué que le pays restait engagé par ses traités et obligations internationaux. Un message destiné à apaiser les inquiétudes des États-Unis et d'Israël quant au devenir des accords de paix israélo-égyptiens, qui font du Caire un partenaire incontournable des efforts de paix dans la région.
La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont par ailleurs annoncé que l'Égypte leur avait demandé de geler les avoirs d'ex-hauts responsables égyptiens, Paris précisant que la demande n'incluait pas M. Moubarak.