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Que des pourparlers historiques se soient engagés dimanche avec le gouvernement est une chose. Mais que l’opposition égyptienne, divisée et hétérogène, réussisse à se mettre d'accord sur un socle de mesures en est une autre.

Totalement impensable il y a un mois, la discussion qui a réuni hier le vice-président égyptien Omar Souleimane et des représentants de l’opposition – y compris les Frères musulmans, dont l’organisation reste illégale – n’a pu aller au-delà d'une décision concrète : celle de réunir un comité chargé d’amender la Constitution du pays. La confrérie islamiste des Frères musulmans n’a d'ailleurs pas tardé à dénoncer l’insuffisance des propositions émises par le pouvoir.

Mais si ce "dialogue politique national" est un premier pas vers une négociation très attendue entre le pouvoir et l’opposition, il contraint cette dernière à clarifier ses positions sur un processus de transition qui continue pourtant de la diviser. En clair, il n'existe pas une opposition, mais des groupes d'opposition. 

Revue des points de concorde et/ou de discorde entre ses différents groupes :

1/ Avec ou sans Hosni Moubarak ?

Depuis le début du mouvement de contestation, le départ du président égyptien est peu ou prou le plus petit commun dénominateur de l’opposition et reste la condition non-négociable au dialogue politique.

Pour les Frères musulmans ou pour Mohamed el-Baradei, la transition ne se fera pas avec l’actuel président égyptien. "Entendre (...) que Moubarak doit rester et conduire le changement (…) serait très, très décevant", a jugé dimanche le prix Nobel de la paix égyptien Mohamed el-Baradei.

Pourtant la "vieille garde", notamment el-Wafd, incarnant l'opposition dite libérale, et le Tagammou (socialiste), n’ont jamais formellement exigé son départ du pouvoir même si toutes ses formations ont participé aux manifestations anti-Moubarak.

2/ Quel gouvernement de transition ?

Avec ou sans Moubarak, toute autorité de transition va devoir mener l’Égypte jusqu’à l’élection présidentielle de septembre. Mais là encore, les avis divergent : si l’opposition est en faveur d’un gouvernement d’union nationale, reste à savoir qui aurait la légitimité pour le nommer et qui, au-delà, en ferait partie. Une coalition informelle de l’opposition semble s’être mise d’accord sur les noms d’une dizaine de personnes qui pourraient être amenées à en faire partie – notamment Mohamed el-Baradei, Ayman Nour (candidat à la présidentielle de 2005) et Osama al-Ghazali Harb (leader du Front démocratique).

De son côté, Mohamed el-Baradei a publiquement suggéré de placer ce gouvernement de transition sous l’autorité d’un conseil présidentiel composé de trois personnes, incluant un représentant de l’armée.

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3/ Quelles seraient alors les mesures à prendre sans délai ?

La libération de tous les prisonniers politiques, la levée de l’état d’urgence (en vigueur depuis l’arrivée au pouvoir de Moubarak en 1981), et la réforme de la constitution égyptienne (voir plus bas) sont les trois mesures sur lesquelles l’opposition s’est accordée. Dimanche, le gouvernement s’est dit prêt à les satisfaire, proposant notamment l'ouverture d'un bureau destiné à recevoir les plaintes relatives aux prisonniers politiques ou encore la levée des restrictions imposées aux médias.

Mais certains membres de l’opposition – les Frères musulmans notamment – exigent davantage, par exemple la dissolution du Parlement, celle du parti au pouvoir, et une commission d’enquête sur les violences qui ont eu lieu la semaine dernière place Tahrir.

4/ Quelle réforme de la Constitution ?

La Loi fondamentale égyptienne, adoptée en 1971 sous Sadate, n’a connu que peu de modifications, sinon des réformes à la marge en 2005 et 2007. Les discussions de dimanche entre Omar Souleimane et différents représentants de l’opposition se sont de fait concentrées sur les possibilités de réformes constitutionnelles.

Dimanche soir, le gouvernement égyptien a annoncé la formation d’un comité chargé de préparer ces amendements. Le comité, qui devrait être nommé d’ici mars 2011, rassemblera "le pouvoir judiciaire et un certain nombre de personnalités politiques, pour étudier et proposer des amendements constitutionnels et les amendements législatifs requis", a annoncé porte-parole du gouvernement, Magdi Radi.

Ces amendements devraient concerner en premier lieu les articles 76 et 77, que le président Moubarak avait évoqués dans son discours télévisé du 2 février. Le premier concerne les conditions requises pour être candidat à l’élection présidentielle en Égypte (un candidat indépendant doit réunir le parrainage de 250 élus émanant de trois institutions différentes, toutes dominées par le parti au pouvoir). Le second ne fixe aucune limite au nombre de mandats présidentiels : il devrait être ramené à deux mandats (de six ans) maximum.