Des milliers de partisans du Premier ministre libanais Saad Hariri manifestent contre le candidat du Hezbollah Najib Mikati dans différentes villes du Liban, dont Tripoli. Ils dénoncent un "coup d'État" du mouvement chiite.
AFP - Des milliers de partisans du Premier ministre en exercice Saad Hariri ont manifesté mardi au Liban, parfois violemment, contre la nomination prévue à la tête du gouvernement de Najib Mikati, un milliardaire appuyé par le puissant Hezbollah chiite.
L'armée était déployée en force dans plusieurs régions pour cette "Journée de colère" durant laquelle les protestataires ont attaqué et incendié une voiture de la chaîne Al-Jazira dans le nord et brûlé des pneus et coupé des routes ailleurs dans le pays, selon des correspondants de l'AFP sur place.
M. Mikati, un sunnite de 55 ans et ex-allié de Saad Hariri, a obtenu le soutien de la majorité des députés, dont celui du camp du Hezbollah, le mouvement armé le plus puissant au Liban, provoquant la fureur des sunnites qui y voient un "coup d'Etat" de ce parti.
Le poste de Premier ministre est réservé par tradition à la communauté sunnite dans ce pays multiconfessionnel, plongé dans une grave crise politique liée à l'acte d'accusation du tribunal de l'ONU sur l'assassinat de Rafic Hariri, père de Saad, en 2005.
Le Hezbollah, mouvement considéré comme terroriste par les Etats-Unis, s'attend à ce qu'il soit mis en cause dans cet acte d'accusation et avait sans succès tenté d'obtenir de Saad Hariri de désavouer ce tribunal.
Le 12 janvier, ce mouvement, appuyé par l'Iran et la Syrie, a provoqué la chute du gouvernement Hariri, considéré comme le leader le plus populaire de la communauté sunnite au Liban.
M. Mikati, qui entretient de bonnes relations avec la Syrie, ancienne puissance de tutelle, doit être officiellement désigné dans la journée, au dernier jour de consultations menées par le président Michel Sleimane.
L'éventuelle arrivée d'un Premier ministre soutenu par le Hezbollah fait craindre à la communauté internationale la formation d'un gouvernement pro-iranien, à l'image de celui du Hamas palestinien à Gaza, ce que nie le Hezbollah.
Les Etats-Unis ont mis en garde contre l'impact qu'un pouvoir accru du Hezbollah pourrait avoir sur l'aide américaine au Liban.
La coalition de M. Hariri avait le contrôle du Parlement après les législatives de 2009, mais avec le changement de camp de M. Mikati et ses alliés de même que du leader druze Walid Joumblatt et ses proches, c'est le camp du Hezbollah qui détient désormais de facto la majorité parlementaire.
Entretemps, les protestations pro-Hariri continuent dans plusieurs villes.
A Tripoli, la grande ville du nord et fief sunnite où la majorité des écoles et des commerces ont été fermés, des milliers de sympathisants de Saad Hariri ont afflué à la place principale, en portant des drapeaux libanais et des photos du Premier ministre en exercice.
Certains ont brûlé une photo de M. Mikati, originaire de Tripoli, en scandant "Allah Akbar" (Dieu est grand). "Le projet iranien ne passera pas par Tripoli", lit-on sur les pancartes.
"Je suis venue ici pour être solidaire avec Saad Hariri, car je suis sunnite et je refuse que quelqu'un impose à ma communauté un candidat", affirme Oum Khodr, 50 ans, venue d'une localité proche.
"Mikati est le candidat du Hezbollah. Nous sommes avec Saad car la majorité des sunnites sont avec lui. Nous les combattrons à travers les sit-in et manifestations pacifiques car nous n'avons pas leurs armes", dit de son côté Rana Fatfat, avocate de 35 ans, en référence à l'arsenal du Hezbollah.
A Saïda, principale ville du sud-Liban, des partisans de M. Hariri ont manifesté en brûlant des pneus sur la route côtière menant à la région.
A Beyrouth, des sympathisants ont brûlé des pneus et des bennes, bloquant des routes.
La crise politique ravive le spectre des violences confessionnelles de mai 2008, quand des combats entre sunnites et chiites avaient fait une centaine de morts et mené le pays au bord d'une nouvelle guerre civile.