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Le président Ben Ali a quitté le pays, le Premier ministre assure l'intérim

Confronté à un soulèvement populaire depuis près d'un mois, Zine El-Abidine Ben Ali a quitté la Tunisie. La France a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas l'accueillir. Ce vendredi soir, la destination de l'ex-président tunisien restait incertaine.

La révolution a eu lieu. Près d’un mois après le début du soulèvement populaire déclenché par l’immolation d’un jeune marchand de Sidi Bouzid le 17 décembre, le président Zine El-Abidine Ben Ali a quitté le pouvoir, ce vendredi, qu’il laisse aux mains de son Premier ministre, Mohammed Ghannouchi. Selon la télévision d’État tunisienne, celui-ci assurera la présidence par intérim jusqu’à ce que des élections anticipées soient organisées. L’ancien chef de l’État a, quant à lui, quitté la Tunisie, selon une source proche du gouvernement.

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"J’exerce les fonctions de président de la République et appelle tous les fils et filles de la Tunisie à faire preuve de civisme afin de passer cette période difficile", a déclaré à 18h40 (GMT+1) M. Ghannouchi.

"Je m’engage à respecter la Constitution et à entreprendre les réformes économiques et sociales annoncées, en concertation avec tous les partis politiques et l’ensemble de la société civile", a-t-il continué.

Mohamed Ghannouchi doit rencontrer ce samedi les dirigeants des partis politiques en vue de former un nouveau gouvernement.

La France ne souhaite pas à accueillir Ben Ali

Le recours à l’article 56 de la Loi fondamentale tunisienne, invoqué lors de la passation de pouvoir, n’est pas sans soulever des questions sur la constitutionnalité de la procédure.

Cet article dispose qu'en cas de suspension provisoire, le président de la République peut déléguer par décret ses attributions au Premier ministre. Mais, rétorque Aziza Naitsibahia, journaliste à FRANCE 24, "aujourd’hui, on ne sait pas où Ben Ali est parti, on ne sait pas où il va atterrir. En cas de vacance du pouvoir, c’est l’article 57 qui s’applique et donc c’est le président de la Chambre des députés qui doit prendre les rênes pendant 45 à 60 jours, en attendant la tenue d’élections."

Le président français, Nicolas Sarkozy, qui a dit avoir pris acte du départ de son homologue tunisien, a reconnu la constitutionalité de la passation de pouvoir. Paris a toutefois indiqué qu'elle ne souhaitait accueillir Ben Ali sur son sol. Pour l'heure, on ignore la destination de l'ancien chef de l'État Ben Ali.

L’État d’urgence maintenu

Quelques heures auparavant, le président Ben Ali avait décrété l’état d’urgence et un couvre-feu dans tout le pays, interdisant tout rassemblement sur la voie publique et autorisant l’armée à tirer sans sommation sur tout manifestant refusant d’obéir.

"Cet état d'urgence signifie que les rassemblements de plus de trois personnes sont interdits, que les armes seront utilisées par les forces de l'ordre lorsqu'un suspect refusera d'obtempérer et, troisièmement, qu'un couvre-feu sera en vigueur de 17 heures à 7 heures pour une durée indéterminée", avait-il déclaré, vers 16 heures à la télévision tunisienne.

Le couvre-feu, mis en place pour "protéger les citoyens tunisiens" selon M. Ben Ali, aurait permis un retour au calme temporaire, du moins dans le centre de la capitale, confirme Cyril Vanier, l’envoyé spécial de FRANCE 24 à Tunis, lui-même contraint par le couvre-feu.

Avant de quitter le pouvoir, le président Ben Ali avait limogé son gouvernement et décrété l’organisation d’élections législatives anticipées dans les six mois par la voix de Mohammed Ghannouchi, son Premier ministre, qu’il venait de reconduire dans ses fonctions.

M. Ghannouchi a indiqué à la TAP, l’agence de presse officielle tunisienne, que cette décision avait été prise "dans le cadre de mesures d’apaisement".

Le président Ben Ali avait prononcé un discours d’ouverture, jeudi soir, au cours duquel

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il avait déclaré son intention de libéraliser le système politique du pays et de passer la main lors de la prochaine élection présidentielle, en 2014.

Les principaux partis d'opposition, de même que les milliers de manifestants réunis ce vendredi à Tunis et dans différentes villes du pays, avaient demandé son départ immédiat.

Nouvelle journée de tensions

Plus tôt dans la journée, une importante manifestation dans le centre de Tunis a été dispersée. Un photographe de l’agence EPA, Lucas Mebrouk, 32 ans, a été grièvement blessé à la tête pendant son déroulement.

"La police anti-émeute, qui était tout autour de nous d’un bout à l’autre de l’avenue Bourguiba a lancé les premières cannettes de gaz lacrymogènes quand les manifestants ont escaladé les murs du ministère de l’Intérieur, raconte Cyril Vanier. L’avenue Bourguiba et les rues alentours sont transformées en champs de bataille et les manifestants érigent des barrages", poursuit celui-ci.

Des centaines de personnes ont également manifesté aujourd’hui en province, notamment à Sidi Bouzid, à Regueb, à Kairouan et à Gafsa, lançant des slogans hostiles au pouvoir comme "Soulèvement continu, non à Ben Ali", "Ben Ali dehors" ou "Hommage au sang des martyrs".

Au moins 12 personnes ont été tuées lors d’affrontements avec la police dans la capitale et dans la ville côtière de Rass Jebel, dans la nuit de jeudi à vendredi, après le discours prononcé par le président Ben Ali. Depuis le début de la crise, 66 personnes auraient été tuées, selon les estimations de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).