Chef incontesté du Front national (FN) depuis 1972, Jean-Marie Le Pen s'apprête à passer la main à l'occasion d'un congrès historique organisé ce week-end à Tours. Parcours politique d'un homme aussi controversé que provocateur.
La scène politique française est sur le point de tourner une page de son histoire. Pour la première fois depuis sa création en 1972, le Front national (FN) va changer de président. À 82 ans, Jean-Marie Le Pen s’apprête en effet à quitter ses fonctions à l’occasion du congrès de son parti organisé à Tours, ce samedi. En lice pour lui succéder, sa fille Marine Le Pen, jugée plus modérée et donnée grande favorite. Le leader frontiste soutient publiquement sa candidature face à celle de "son ami" Bruno Gollnisch. Sauf coup de théâtre lors de la proclamation officielle des résultats du vote des adhérents du FN, la benjamine des trois filles Le Pen devrait l’emporter.
Plus jeune député de France
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© {{ scope.credits }}Se considérant diabolisé par "l’establishment", ce "tribun du peuple" autoproclamé est un personnage aussi controversé que provocateur, qui a renvoyé constamment dos à dos les partis de droite et de gauche et n’a cessé de les accuser de collusion. Reconduit par "acclamation" lors de chaque congrès, il est le seul homme politique français à s’être maintenu aussi longtemps à la tête d’un parti (39 ans). S’il a inscrit l’extrême-droite durablement dans le paysage politique français, celui qui fut cinq fois candidat à la présidentielle, n’aura jamais réussi à exercer le pouvoir.
Militaire en Indochine, puis en Algérie et fréquentant les milieux d'ultra-droite, Jean-Marie Le Pen débute sa carrière politique en 1956, à l’âge de 27 ans, lorsqu’il est élu plus jeune député de France sur les listes de Pierre Poujade. Un siège qu’il perdra en 1962 et qu’il ne récupérera qu’en 1986. En octobre 1972, il prend la tête du Front national, dans lequel il parvient à faire cohabiter toutes les tendances de l’extrême-droite française, des partisans de l’Algérie française aux nostalgiques de Vichy, en passant par les ultra-conservateurs catholiques. Mais ce n’est que dans les années 1980 que son parti perce sur le plan électoral, quand le FN récolte 10,95 % des voix aux européennes de 1984 et envoie neuf députés, dont Le Pen, à Bruxelles. Quatre ans plus tard, le "menhir", comme on le surnomme, obtient 14,38 % des voix à la présidentielle contre 0,74 % en 1974.
Dérapages assumés
Jean-Marie Le Pen est cependant rapidement mis au banc de la vie politique en raison de ses idées extrémistes et de ses nombreux dérapages assumés. Dans son collimateur : l’immigration et l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Les chambres à gaz sont un de ses thèmes favoris. En 1987, il déclare que les "chambres à gaz" sont un "détail" de l'histoire de la Seconde guerre mondiale. Condamné à plusieurs reprises pour ses propos, il a été accusé, tout au long de sa carrière, d’incitation à la haine raciale.
Ses sorties sulfureuses lui valent d’incarner, aux yeux des médias et de la classe politique, le racisme et la xénophobie, bien que sa cote auprès de ses militants reste intact. De 1989 à 1998, le FN obtient des scores à deux chiffres lors de chaque élection (législatives, régionales, présidentielle et européennes).
Séisme politique
Cependant, à la fin de 1998, le parti sort considérablement affaibli d’une scission en son sein, provoquée par une contestation interne de la stratégie de Le Pen et le départ de plusieurs de ses cadres, dont son numéro deux, Bruno Mégret. Contrairement à son chef, Mégret milite pour sceller des alliances avec les partis de la droite traditionnelle. Lors des élections européennes de 1999, le FN ne récoltera que 5,69 % des voix.
Paradoxalement, bien que marginalisé, Le Pen signera son principal fait d’armes politique quelques années plus tard. Le 21 avril 2002, le président du Front national parvient à se hisser au deuxième tour de la présidentielle avec 16,86 % des voix, au dépens du candidat socialiste Lionel Jospin. Ce séisme politique pousse plusieurs millions de personnes à descendre dans les rues pour manifester contre le FN et son chef tout au long de l’entre-deux-tours. Opposé au président sortant Jacques Chirac, il est sévèrement battu avec 17,79 % des voix. "Ouf", titre le lendemain le quotidien "Libération".
En 2007, son score à la présidentielle est en chute libre (10,44 %), tandis que ses troupes ne récoltent que 4,29 % aux législatives. Le Pen accusera le président Nicolas Sarkozy d’avoir capté son électorat en s’inspirant des idées du Front national. Confronté à des difficultés financières, le parti rebondit lors des régionales de 2010 (11,42 %), sous l’égide de sa fille Marine, nommée vice-présidente du parti.
Le doyen de la scène politique française a renoncé à se présenter à l'élection présidentielle de 2012. Il sera nommé "président d'honneur" du FN après le congrès de Tours, et conservera ses mandats de député européen et de conseiller régional.