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Ben Ali lâche du lest mais déploie l'armée dans Tunis

Le Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi a annoncé la remise en liberté de toutes les personnes arrêtées depuis le début des émeutes qui secouent la Tunisie ainsi que le limogeage du ministre de l'Intérieur, Rafik Belhaj Kacem.

AFP - Le gouvernement tunisien a annoncé mercredi le limogeage du ministre de l'Intérieur et la libération de toutes les personnes arrêtées lors de manifestations en réponse aux émeutes sociales meutrières qui ébranlent le pays.

L'ONU demande des enquêtes indépendantes

La Haut commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Navy Pillay, a appelé mercredi le gouvernement tunisien à mener des enquêtes "indépendantes crédibles", à la suite des informations sur un "usage excessif" de la force par les services de sécurité.

"Des informations suggèrent que la majorité des manifestations ont été pacifiques et que les forces de sécurité ont réagi avec une force excessive contraire aux standards internationaux", explique Mme Pillay dans un communiqué.

L'armée a aussi été déployée pour la première fois dans Tunis et une banlieue populaire, au lendemain des premiers affrontements aux abords de la capitale en près d'un mois d'une crise: celle-ci a fait des dizaines de morts et débouché sur une contestation de plus de 20 ans de régime autoritaire.

Le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a annoncé au cours d'une conférence de presse le limogeage du ministre de l'Intérieur Rafik Belhaj Kacem et la libération de toutes les personnes arrêtées.

Il a également annoncé la formation d'une commission d'enquête sur la corruption que dénoncent opposition et ONG.

"Nous avons décidé la création d'un comité d'investigation pour enquêter sur la question de la corruption", a-t-il dit.

Des soldats armés, camions, jeeps et blindés, ont fait leur apparition dans Tunis.

Outre des renforts importants de police et unités d'intervention spéciales, deux véhicules de l'armée et des soldats montaient la garde sur la place reliant les avenues de France et Habib Bourguiba, face à l'ambassade de France et à la grande cathédrale de Tunis.

Des renforts militaires étaient également visibles autour de la radio-télévision.

L'armée avait aussi pris position au centre et à l'entrée de la cité populaire d'Ettadhamen (Solidarité), une banlieue où des jeunes et des policiers se sont affrontés la veille au soir. C'était la première fois que des violences se produisaient près de Tunis, l'épicentre du mouvement se situant jusqu'à présent dans le centre du pays.

Un blindé et des soldats étaient positionnés à l'entrée du faubourg où des carcasses de voitures et d'un bus incendiés n'avaient pas encore été enlevées, près de la sous-préfecture attaquée.

Des bris de verre et des pneus brûlés jonchaient la route de Bizerte qui traverse les cités populaires d'Ettadhamen, Intilaka et El Mnihla, à l'ouest de la capitale.

La crise a pris un tour dramatique ce week-end avec des affrontements violents dans des villes du centre qui ont fait 21 morts selon le gouvernement et plus de 50 selon une source syndicale.

Des sources de l'opposition ont fait état du limogeage du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rachid Ammar. Celui-ci aurait refusé de donner l'ordre aux soldats de réprimer les émeutes et exprimé des réserves sur un usage excessif de la force, selon les mêmes sources.

Il aurait été remplacé par le chef des renseignements militaires Ahmed Chbir, selon ces informations qui n'ont pu être confirmées officiellement.

Mardi soir, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est dite "inquiète quant aux troubles et à l'instabilité" dans ce pays dirigé depuis 23 ans par le président Zine El Abidine Ben Ali.

Elle s'est également déclarée préoccupée par "la réaction du gouvernement, qui a malheureusement provoqué la mort de certains jeunes protestataires" et a appelé à une "solution pacifique".

Mercredi, la porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a condamné l'usage "disproportionné" de la force par la police en Tunisie.

Le président Ben Ali âgé de 74 ans, était intervenu lundi à la télévision, promettant la création de 300.000 emplois en deux ans. Il avait aussi qualifié les violences d'"actes terroristes" et accusé des "éléments hostiles à la solde de l'étranger".

L'opposition et les ONG ont jugé la réponse du pouvoir insuffisante, un parti radical appelant même à la démission du gouvernement.

Selon dix ONG dont la Ligue de défense des droits de l'homme, les véritables causes de la crise sont "la corruption, le népotisme et l'absence de libertés politiques".