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La "Dame de fer" prend ses fonctions de présidente

Élue avec 56 % des suffrages en octobre, Dilma Rousseff devient officiellement la première femme présidente du Brésil. Portrait de celle que l'on nomme la "Dame de fer" et qui a la lourde tâche de reprendre les rênes après le très populaire Lula.

Alors que dansent encore sur l’eau les fleurs jetées le soir du réveillon par des milliers de Cariocas en l’honneur de Iemanja, la déesse de la mer, Dilma Rousseff fait son entrée au palais de Brasilia. Ce 1er janvier, Dilma Rousseff entre en fonction, devenant officiellement la première femme présidente du Brésil. Élue à 56 % des suffrages lors de l’élection présidentielle du 31 octobre, elle succède à son mentor, Luis Inacio Lula Da Silva, obligé de quitter la scène politique après deux mandats.

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La "Dame de fer" prend ses fonctions de présidente

Pour le Brésil, c’est un changement dans la continuité. Dilma est la protégée de l’ancien président qui l’a défendue pendant la campagne comme si sa postérité en dépendait : "Dilma a une intelligence et une capacité d’analyse extraordinaires" n'a-t-il cessé de répéter pendant les meetings de campagne. Pour les proches collaborateurs, le changement risque en revanche d’être plus rude. Si Lula était réputé pour son charme et sa sociabilité,  Dilma entretient, elle, une réputation de rigueur et de rigidité.  "Je suis la seule femme méchante au Brésil entourée par des hommes gentils", a-t-elle plaisanté devant la presse juste avant son entrée en fonction.

Une "méchante", peut-être, mais qui ne rechigne pas à la tâche. La "Dame de fer", qui hérite d’un pays de 200 millions d’habitants, classé dixième économie de la planète, s’est d’ores et déjà engagée à sortir 20 millions de Brésiliens de la misère et de faire du Brésil "une nation de classe moyenne". Un défi dans un pays rongé par les gangs et qui n'a pas été épargné par la crise économique mondiale. Alors si on lui reproche parfois son manque de souplesse, c’est surtout cette force de travail et cette culture de l’efficacité qui l’ont menée à la présidence.

"Quelque chose de différent"

Lula a toujours cru aux talents politique et de gestion de sa dauphine, qui peut s’enorgueillir d’une ascension politique fulgurante. D’abord secrétaire d’État à l’Énergie dans l’État de Rio Grande do Sul, dans le sud du Brésil, elle est promue au grade de ministre de l’Énergie lors de l’élection de Lula en 2002. C’est à ce poste qu’elle commence à se faire remarquer, en parvenant à réduire les incessantes coupures d’électricité qui plombent le pays. Lula la prend rapidement comme chef de cabinet avant de la propulser, en 2005, numéro 2 du gouvernement après un scandale financier qui a décapité le Parti travailliste (PT).

Intronisée, à 63 ans, en juin 2010 comme candidate du Parti Travailliste à l’élection présidentielle, Dilma Rousseff peut se réjouir du soutien indéfectible d’un président sortant crédité de 82 % d’opinion favorable. Qu’elle ne se soit jamais confrontée aux urnes n’a pas inquiété son mentor, qui aime à dire qu’il a tout de suite vu en elle son successeur. "J’ai senti quelque chose de différent en elle", se plaisait-il à rappeler à la presse pendant la campagne.

Peu rompue à l’exercice des médias, Dilma a fait sa carrière dans l’ombre. Mais elle a toujours eu la politique dans le sang.

Lutte armée pendant la dictature

Née en décembre 1947 à Belo Horizonte dans le Minas Gerais, au Brésil, Dilma est la fille d’un immigré bulgare entrepreneur et d’une mère brésilienne professeur.

Elle a 17 ans en 1964 lorsque les militaires prennent le pouvoir. Le Maréchal da Costa mène alors le pays d’une main de fer et organise des escadrons de la mort contre l’opposition. En entrant à l’université d’économie de Belo Horizonte, Dilma aiguise sa conscience politique et s’engage aux côtés d’un mouvement de résistance étudiant, le Commando de libération nationale (Colina) qui prône la lutte armée.

En 1969, elle devient un des leaders nationaux d’un mouvement révolutionnaire. Un engagement qui la mènera tout droit en prison. Arrêtée en 1970, elle est torturée pendant 22 jours puis incarcérée à la prison de Tiradentes, à Sao Paulo, d’où elle sortira après trois ans de détention.
Un esprit libre
De ces années révolutionnaires, elle a gardé un esprit de résistance et de liberté qui n’ont pas toujours joué en sa faveur dans un pays encore très influencé par le poids de l’Église et de la religion.
Divorcée deux fois et amatrice de Proust, Dilma Roussef s’est heurtée pendant l’entre-deux tours de la présidentielle au conservatisme de la société brésilienne. La candidate s’est exprimée en faveur du mariage homosexuel et de l’avortement. Mais la majorité des brésiliens ne sont pas prêts à reconnaître le droit à l’avortement, même au nom de la "santé publique". Et sa prise de position aurait pu lui coûter la présidence si elle ne s’était rétractée.
Pour convaincre ses électeurs, elle n’a donc pas hésité à faire des concessions, au bistouri notamment, dans un pays obsédé par la beauté : Dilma a subi plusieurs opérations de chirurgie esthétique pour changer son image de première de la classe. Mais sur l’essentiel, elle reste fidèle à ses principes : la rigueur. La France, qui espère toujours vendre au Brésil ses Rafale, jugés trop onéreux par l’armée brésilienne, pourrait d’ailleurs en faire les frais. Pour maintenir l’économie du pays, la mère du PAC, le programme d’accélération de croissance, s’est engagée à réduire les dépenses publiques.
Les défis, les choix, les batailles s’annoncent nombreux. Mais la "Dame de fer", qui a réchappée à la prison, à la torture, et récemment au cancer, a de la résistance. Dilma Rousseff doit désormais accomplir ses promesses et poursuivre, à sa manière, le "miracle" entamé par son prédécesseur.
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Dilma Rousseff lors de son investiture
La "Dame de fer" prend ses fonctions de présidente