Un ex-membre de la DGSE affirme avoir été mandaté par l'Élysée en 2008 pour prendre contact avec Jean-Marie Boivin, mandataire de sociétés par lesquelles transitaient des commissions sur des contrats d'armement, qui menaçait de faire des révélations.
AFP - Un ancien membre de la DGSE Alain Juillet a rapporté au juge Renaud Van Ruymbeke avoir été mandaté par l'Elysée en 2008 pour prendre contact avec Jean-Marie Boivin, témoin-clé dans l'affaire Karachi, a-t-on appris jeudi de source proche du dossier.
M. Boivin était le mandataire de Heine et Eurolux, sociétés basées au Luxembourg par lesquelles transitaient depuis 1994 des commissions sur des contrats d'armement. Selon plusieurs témoignages, il aurait depuis fait du chantage auprès des autorités françaises pour au final obtenir en janvier 2009 8 millions d'euros d'indemnités.
M. Juillet, ancien membre de la Direction générale des services extérieurs (DGSE), a affirmé le 17 décembre au juge Van Ruymbeke avoir été mandaté en 2008 par l'Elysée pour "voir ce qu'il y a derrière tout ça", selon son procès verbal d'audition, cité par Mediapart.
M. Juillet affirme avoir été contacté en juin 2008 par Bernard Delpit, à l'époque collaborateur de François Pérol, ancien secrétaire général adjoint à l'Elysée, pour qu'il prenne attache avec M. Boivin.
M. Juillet, qui exerçait alors les fonctions de haut-responsable à l'intelligence économique auprès de Matignon, a ainsi rencontré M. Boivin à trois reprises à Londres entre septembre 2008 et mai 2009.
"J'étais convaincu qu'il (M. Boivin) avait des archives et qu'il valait mieux les récupérer et négocier avec lui une indemnité de départ raisonnable", a expliqué M. Juillet.
Lors de leurs différentes rencontres à Londres, M. Boivin "a surtout parlé de Karachi", a assuré l'émissaire de l'Elysée. "C'est le premier que j'ai entendu dire que l'attentat était lié à l'arrêt du versement des commissions. Pour lui, c'était une évidence", a ajouté M. Juillet, 68 ans.
Celui-ci a précisé au juge Van Ruymbeke avoir pris avec des pincettes les affirmations de son interlocuteur: "Quand on l'écoutait, on a l'impression qu'il savait tout. Mais quand on lui posait des question précises, c'était totalement flou", a poursuivi M. Juillet.
"La cerise sur le gâteau, c'est que j'ai reçu, il y a un mois et demi, une lettre de Suisse m'informant que M. Boivin avait remis toutes les pièces à un représentant de DCN", ajoute M. Juillet, laissant entendre que M. Boivin aurait renoncé à une partie des documents qu'il affirmait détenir dans un coffre en Suisse.
La justice suit depuis 2009 la piste d'un arrêt des commissions sur des contrats d'armements, décidé en 1995 par Jacques Chirac, comme mobile de l'attentat de Karachi qui a fait 15 morts en mai 2002, dont 11 salariés français de la Direction des constructions navales (DCN).