Courant octobre, alors que Le Monde accuse l’Élysée d’avoir violé le secret des sources de ses journalistes, Matignon aurait rappelé au ministère de l'Intérieur la loi en matière d'écoutes téléphoniques.
Courant octobre, Matignon aurait rappelé au ministère de l'Intérieur qu'il est interdit de se procurer des fadettes - factures téléphoniques détaillées - auprès des opérateurs téléphoniques, alors que Le Monde accuse l’Élysée d’avoir violé le secret des sources des journalistes enquêtant sur l’affaire Woerth/Bettencourt.
Pratique illégale
Selon une information révélée ce matin par France Info, le directeur de cabinet de François Fillon, Jean-Paul Faugère, a en effet adressé une lettre au ministère de l'Intérieur pour lui rappeler la loi en matière d'écoutes. Dans ce document classé "confidentiel-défense", consulté par les journalistes de la radio, celui-ci indiquerait que "l’article 20 de la loi de 1991 sur les interceptions de sécurité ne peut être invoqué pour recueillir des données personnelles". Le contenu de la lettre atteste par conséquent, de manière implicite, que la récupération des factures téléphoniques détaillées de particuliers "a bel et bien existé" et que cette pratique "est illégale", précise France Info.
L’article 20 en question permet aux policiers, en cas de "défense des intérêts nationaux" , de s’affranchir d’un cadre légal sur les écoutes, mais seulement en ce qui concerne "les transmissions empruntant la voie hertzienne". Autrement dit, un balayage des fréquences peut être effectué, mais en aucun cas la surveillance d’un téléphone portable, et encore moins le relevé des factures détaillées correspondantes.
Interrogé cet après-midi à l'Assemblée nationale, le Premier ministre François Fillon, qui n'a pas démenti l'existence du document, a assuré que l'interception des factures et des conversations téléphoniques par le renseignement intérieur était "strictement limitée" et "contrôlée de façon étroite".
Le quotidien Le Monde avait porté plainte contre X en septembre, "pour violation du secret des sources des journalistes". Le journal accuse les services de police et le contre-espionnage de s'être procuré illégalement les "fadettes" de David Sénat, alors conseiller de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie. Après expertise du listing de ses contacts, un lien aurait été établi avec le nom de Gérard Davet, journaliste au quotidien chargé de couvrir l’affaire Woerth/Bettencourt. Depuis, le conseiller pénal au cabinet de la garde des Sceaux a été muté en Guyane, auprès de la cour d'appel de Cayenne.
"Mesures d'intimidation"
"Il nous manquait une confirmation, elle est venue directement de Matignon, c'est en ça que ce document est essentiel", explique Gérard Davet, interrogé par France Info. "Très clairement, les services de renseignement, sur ordre de l'Élysée, se sont procuré les factures téléphoniques détaillées d'un conseiller de Michèle Alliot-Marie, David Sénat. En se procurant ces factures téléphoniques, il s'agissait de mettre fin à mes sources", poursuit le journaliste, avant de conclure : "Il s'agit de mesures d'intimidation, il s'agit là d'un vrai scandale".
De son côté, Le Canard enchaîné porte dans son édition d’aujourd’hui de nouvelles accusations contre l'Élysée, affirmant être l'objet d'une enquête et parlant même d'une "conspiration". Le journal satirique et le site internet d’information Mediapart accusent la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et l'Élysée d'avoir organisé la surveillance des journalistes dans le cadre de cette même affaire Woerth-Bettencourt. L'Élysée et les principaux intéressés ont énergiquement démenti ces allégations début novembre. Le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, et le directeur de la DCRI, Bernard Squarcini, ont été auditionné jeudi dernier par la Délégation parlementaire aux renseignements sur les affaires d'espionnage de journalistes. Ce dernier vient de porter plainte pour diffamation contre Le Canard enchaîné.