
Emprisonné depuis 2003, l'ex-magnat russe Mikhaïl Khodorkovski, poursuivi pour vol de centaines de millions de tonnes de pétrole, a qualifié son acte d'accusation de "bavardage insensé". Il encourt jusqu'à 14 ans de détention dans un camp.
AFP - L'ex-magnat Mikhaïl Khodorkovski, jugé pour le vol de centaines de millions de tonnes de pétrole, a qualifié lundi son acte d'accusation de "bavardage insensé" et ironisé sur l'ignorance de Vladimir Poutine au sujet de ce crime présumé pour lequel il risque 14 ans de camp.
"Khodorkovski et (Platon) Lebedev (son principal associé, jugé avec lui, ndlr) n'ont pas volé de pétrole et ne se sont appropriés du pétrole, ni physiquement, ni juridiquement", a lancé pendant l'audience M. Khodorkovski, ancien patron du groupe Ioukos.
"C'est du bavardage insensé à l'attention des idiots", a-t-il poursuivi au cours d'un vif échange avec le procureur.
"L'accusation a recours aux mensonges, parce qu'elle n'a pas d'autres arguments", a-t-il lancé depuis sa cage de verre blindé, située dans une salle de tribunal bondée où étaient présents ses parents, une députée allemande et de nombreux sympathisants.
A chaque entrée et sortie de la salle de MM. Khodorkovski et Lebedev, leur partisans les applaudissent. Menottés à leurs gardes, les accusés sourient et les saluent d'une main.
Dans son intervention, M. Khodorkovski, vêtu d'une chemise et d'une veste noires réagissait à une réplique du procureur Valeri Lakhtine qui l'accusait de "mentir". "Je ne vais pas analyser en détails ce que racontent les accusés et leur défense parce que tout ce qu'ils ont dit, c'est du mensonge", avait lancé le procureur Lakhtine.
Le parquet a requis le 22 octobre 14 ans de détention à l'encontre de MM. Khodorkovski et Lebedev, accusés notamment du détournement et de la revente illégale de 218 millions de tonnes de pétrole entre 1998 et 2003.
Dans une interview rarissime au journal d'opposition Novaïa Gazeta parue lundi, M. Khodorkovski a ironisé sur ces accusations, estimant qu'elles mettaient en situation délicate Vladimir Poutine.
"Au cours de la période durant laquelle, selon l'accusation, nous avons volé le pétrole, Poutine était d'abord Premier ministre (1999-2000) puis président (2000-2008)". "J'aimerais bien savoir s'il trouve ça vraiment réaliste de ne pas s'être rendu compte alors de la disparition de 20% de la production pétrolière de Russie", a déclaré l'ex-homme le plus riche du pays.
Il a également qualifié le régime russe de "schizophrène", où "toutes les institutions se font passer pour ce qu'elles ne sont pas". "Les partis ne sont pas tout-à-fait des partis, de même que les syndicats ne le sont pas tout-à-fait. Les tribunaux ne sont pas en substance des tribunaux", a-t-il résumé.
En prison depuis 2003, l'ex-patron du groupe pétrolier Ioukos doit prononcer sa dernière déclaration, probablement mardi ou mercredi, au terme de son deuxième procès, en cours depuis mars 2009.
L'affaire Ioukos a été dénoncée par les libéraux russes et à l'étranger comme étant une opération inspirée par le Kremlin soucieux de rétablir le contrôle de l'Etat sur de précieux actifs pétroliers et de mettre au pas M. Khodorkovski, homme d'affaires manifestant des ambitions politiques.
Son groupe, alors numéro un du secteur pétrolier russe, a été démantelé dans des conditions obscures au profit d'entreprises publiques ou proches du Kremlin.
Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle a évoqué lundi le sujet au cours d'une rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov. "Nous relayons les inquiétudes (de la société civile russe), et c'est dans l'intérêt de la Russie que ces inquiétudes soient prises au sérieux", a-t-il dit.
Courant 2008, l'Allemagne avait entrepris des démarches pour faciliter la libération de l'ex-patron de Ioukos mais Moscou n'avait pas donné suite à ces demandes.