Le jeune Canadien Omar Khadr, arrêté à l'âge de 15 ans en Afghanistan, poursuivi pour crimes de guerre et condamné dimanche à Guantanamo à 40 ans de prison, pourra être rapatrié au Canada. Ottawa a confirmé, ce lundi, qu'il acceptait la démarche.
AFP - Le Canada a confirmé lundi qu'il accepterait de rapatrier Omar Khadr, son jeune ressortissant condamné aux Etats-Unis pour crimes de guerre et dont le retour risque de créer de graves difficultés au gouvernement conservateur d'Ottawa.
"Le gouvernement des Etats-Unis a accepté qu'Omar Khadr revienne au Canada et nous mettrons en oeuvre l'accord conclu entre M. Khadr et le gouvernement des Etats-Unis", a déclaré à la Chambre des Communes le ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon.
Khadr doit rester encore un an à Guantanamo et, théoriquement, il devrait purger au Canada les sept années restantes de la peine de huit ans que lui a infligée la justice militaire américaine aux termes d'un accord de plaider-coupable.
Mais en fait, dès son arrivée en territoire canadien, il devrait contester la validité de son procès devant les tribunaux canadiens qui seront désormais compétents puisqu'il se trouvera dans son pays natal, a indiqué à l'AFP Stéphane Beaulac, professeur de droit international à l'Université de Montréal.
Une telle procédure devrait "se traduire par sa libération en l'espace de deux ou trois mois à partir de son retour", a ajouté l'universitaire, pour qui la reconnaissance de "l'iniquité" de son procès ne fait aucun doute.
Par ailleurs, selon le même expert, Omar Khadr engagera alors des "poursuites contre le gouvernement canadien pour son rôle dans les sévices qu'il a subis à Guantanamo".
A cet effet, pense M. Beaulac, il pourra s'appuyer sur deux décisions de la Cour suprême du Canada reconnaissant que les autorités canadiennes "ont été de connivence avec les Américains et ont contribué à la violation de ses libertés fondamentales".
Si jamais Khadr n'obtenait pas sa libération en faisant admettre l'illégalité de sa condamnation, il serait immédiatement éligible à une libération conditionnelle, car celle-ci est possible lorsqu'un tiers de la peine a été accompli, et la détention préventive compte dans ce calcul au Canada, a encore déclaré le juriste.
La directrice générale d'Amnesty International au Canada, Béatrice Vaugrante, est plus prudente.
"On ignore quelles conditions le gouvernement va mettre au rapatriement d'Omar Khadr", a-t-elle dit à l'AFP, après avoir dénoncé la "parodie de justice" qu'a été selon elle le jugement de Guantanamo.
"Khadr n'aurait jamais dû être à Guantanamo, il aurait dû être rapatrié dès 2002, et être soumis au système canadien de justice juvénile qui est assez élaboré et qui aurait pu entendre toutes ces accusations et surtout penser à un processus de réhabilitation. C'est cela la vraie justice", a-t-elle dit.
"Le Canada pourra toujours estimer d'ici deux ou trois ans que finalement Omar Khadr est toujours un danger pour le Canada. N'ayant rien fait pendant huit ans, on ne voit pas pourquoi ils changeraient leur fusil d'épaule", a poursuivi la responsable de l'organisation humanitaire.
Après s'être abstenu pendant de longues années de prendre position sur l'affaire Khadr, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a fait l'objet de nombreuses critiques acerbes d'organisations non-gouvernementales et de médias canadiens pour son refus de demander le rapatriement du jeune homme. Arrêté à 15 ans alors qu'il était blessé, celui-ci est considéré par de nombreux experts comme un enfant-soldat et une victime plutôt que comme un meurtrier.
Pour beaucoup de commentateurs, tel Alain Dubuc de La Presse, le gouvernement Harper a continué à soutenir la politique de l'administration de George W. Bush, que les Etats-Unis eux-mêmes ont désavouée.