
La crise politique et sociale née de la réforme des retraites a exercé un effet dévastateur sur le moral des cadres, qui rechute lourdement comme le révèle cette nouvelle vague d’enquête.
Sondage Viavoice réalisé pour HEC, Le Figaro Economie, France Inter et France 24. Interviews effectuées en ligne du 15 au 20 octobre 2010. Échantillon de 400 personnes, représentatif de la population des cadres résidant en France métropolitaine. Représentativité assurée par la méthode des quotas appliquée aux critères suivants : sexe, âge, statut d’activité (salarié du secteur public ou du secteur privé).
Analyse de François Miquet-Marty, Viavoice
Les cadres seraient-ils durablement engagés dans une dynamique de confiance ? La dernière vague du baromètre avait révélé une amélioration notable des perceptions macroéconomiques, et l’indice synthétique du moral des cadres s’était stabilisé à -41, six points audessus de l’étiage historique de -47 (juin).
Pour autant, la crise politique et sociale née de la réforme des retraites a exercé un effet
dévastateur sur le moral des cadres. Les blocages et pénuries qui ont affecté de nombreuses entreprises, ou encore la mobilisation des lycéens ont laissé l’image d’un pays en difficulté et peu confiant pour son avenir. Et cette nouvelle vague d’enquête révèle que le moral des cadres, sur cette actualité difficile, rechute lourdement.
Une baisse importante et malvenue du moral des cadres, un record historique de
démotivation
Après l’amélioration des deux derniers mois, l’indice du moral des cadres chute brutalement et se rapproche de son étiage : il atteint désormais - 46, soit une baisse de 5 points. Pour mémoire, le niveau minimal de juin (-47) avait été atteint juste après la crise de l’euro et la décision d’un plan de sauvetage de 750 milliards d’euros.
Cette fois-ci, une baisse d’optimisme manifeste apparaît sur deux indicateurs macroéconomiques majeurs (l’emploi et le niveau de vie) et s’accompagne d’un impact négatif important sur la motivation des collaborateurs :
- En termes d’emploi, 60 % des cadres français pensent que le nombre de chômeurs
augmentera dans les mois à venir, soit 5 points de plus par rapport aux données enregistrées le mois dernier. Il faut toutefois mettre en perspective ce retour de pessimisme sur le front de l’emploi : ce taux était de 74 % il y a cinq mois et de 63 % il y a deux mois ;
- Concernant le niveau de vie en France, 60 % des cadres pensent qu’il « se dégradera dans les mois à venir », en hausse de 5 points ;
- Surtout, la motivation au sein des entreprises régresse sérieusement : seulement 27 % des cadres estiment que leurs collaborateurs sont motivés, en baisse de 5 points en un mois et de 9 points en deux mois ; en contrepoint, 70 % des cadres considèrent que leurs collaborateurs ne sont pas motivés. Ces taux de démotivation constituent un record historique en regard de l’ensemble des données recueillies depuis 2004 ; il signe la conjonction des effets de la crise économique et financière, et des mouvements sociaux actuels.
En revanche, les perspectives personnelles sont plus stables : 16 % des cadres pensent qu’ils auront des opportunités de progression de carrière « importantes » dans les mois à venir (-2 points) et 17 % que leur situation financière personnelle va s’améliorer (+2 points). Néanmoins à terme, on ne peut exclure l’impact de cette actualité sur les perspectives individuelles : on se souvient qu’en mai 2010, 72 % des cadres se déclaraient inquiets pour le financement de leur retraite, dont 25 % « très inquiets ».
Total et EDF en tête des entreprises considérées comme les plus performantes pour l’avenir
Dans le contexte actuel particulièrement tendu, les leviers d’espérance économique pour les mois qui viennent sont fondamentaux. A la question « quelles seront les grandes entreprises françaises les plus performantes dans les années à venir ? », un tiers (33 %) des cadres français citent spontanément le groupe Total. Cette prééminence du groupe énergéticien apparaît simultanément :
- Compréhensible, car le groupe est à la fois la première capitalisation boursière du CAC
40, l’entreprise française réalisant les bénéfices les plus élevés, et compte parmi les
investisseurs de longue durée loin des aléas de conjoncture ;
- Notable puis que le « géant pétrolier » dispose d’une avance majeure sur les autres
entreprises française : EDF est la deuxième entreprise citée avec 20 % de citations, alors que sa direction a annoncé au début de l’année une baisse de 44 % des bénéfices sur l’année 2009, après le record de 2008 (13,9 milliards d’euros).
En termes généraux, ce sont d’ailleurs les entreprises de secteurs dits défensifs qui sont le plus citées, c’est-à-dire celles qui ont traversé la crise financière avec le moins de difficultés :
- Les entreprises liées à l’énergie et au développement durable, ou qui se positionnent
comme tel (EDF, GDF-Suez, Veolia, Areva apparaissent parmi les dix entreprises les plus citées)
- Le luxe et la beauté, avec les groupes LVMH et L’Oréal, cités tous les deux par 13 % des cadres ;
- Les télécoms avec Orange (12 %) ou Vivendi (4 %) ;
- Le BTP avec Bouygues (8 %) et Vinci (7 %) ;
- L’agro-alimentaire et la grande distribution avec Danone et Carrefour (6 % chacun) ;
- Enfin la santé avec Sanofi-Aventis (4 %).
Par ailleurs, le fait que Renault ou PSA soient cités spontanément par 7 % des cadres
montrent une confiance relativement forte en faveur des constructeurs automobiles français à l’heure où ceux-ci investissent dans des technologies nouvelles (voitures électriques, etc.).
En revanche, il est symptomatique d’observer le peu de citations concernant les banques, à l’exception de BNP Paribas (13 %). La deuxième banque la plus citée est la Société
Générale, à 4 % de citations. Preuve d’une baisse de confiance à l’égard des acteurs
financiers ou volonté de privilégier « l’économie réelle » ? Quoiqu’il en soit, l’impact de la
crise financière de 2008-2009 sur ces perceptions demeure décisif.
Retrouver l'intégralité du sondage (document pdf)