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Mineurs : "Le retour à la réalité nécessitera un moment d’adaptation"

69 jours à plus de 600 mètres de profondeur : pour les 33 mineurs bloqués dans la mine de San José, le retour à la surface est une délivrance. Reste toutefois une question : sort-on indemne d’une telle épreuve ? Réponses de spécialistes.

Ils ont attendu ce moment pendant 69 jours. Ce mercredi à l'aube, les "33" ont commencé à retrouver la lumière et la liberté. Mais, pour eux, le retour à la vie réelle ne sera pas forcément facile. Trois spécialistes apportent leur éclairage sur les difficultés qu'ils risquent de rencontrer pour surmonter un tel traumatisme.

France24.com : Pour les mineurs, le retour à la surface est-il synonyme de retour à la vie normale ?

Michel Siffre, spéléologue : L’épreuve de ces 33 mineurs est très particulière car elle est devenue un évènement médiatique majeur. Vous imaginez ces pauvres mineurs accueillis par le président de la République ? Pour eux, il s'agit de quelque chose d’inouï, sans compter tous ces médias qui vont leur faire tourner la tête. Ils ont subi un choc psychologique majeur, qui va être amorti par cette sortie hyper-médiatique. Le retour à la réalité se fera dans un second temps : quand les médias se seront calmés, ils se retrouveront enfin face à eux-même. C’est à ce moment là que les traumatismes peuvent surgir.

Quelles difficultés peuvent-ils rencontrer ?

Patrick Clervoy, spécialiste du stress et du traumatisme psychique : Ils vont être confrontés à plusieurs difficultés. Il y a d’abord l’usure physiologique. Ils ont vécu plus de 10 semaines sous terre, privés de lumière, dans des conditions difficiles et éprouvantes pour l’organisme. Maintenant, l’enjeu est surtout psychologique. Ils ont déjà vécu trois traumatismes : l’éboulement et la catastrophe, les longues semaines de confinement, et l’extraction qui se fait au péril de leur vie. Comment vont-ils se remettre de ces différentes épreuves ? Enfin, ils en ont encore une dernière à affronter : réintégrer leur famille. Manifestement, beaucoup de moyens psychologiques ont été mis en œuvre pour les accueillir, mais cela ne garantit pas qu’il n’y ait pas, pour chacun d’entre eux, des difficultés à retrouver une vie normale.

Éric Zipper, conseiller technique national du Spéléo secours français (SSF) : Après une longue période de confinement, les mineurs se sont organisés. Une vie s’est mise en place dans cette petite famille. Et, brutalement, tous ces repères vont éclater. Certes, ils sont très heureux de retrouver leur famille, mais il va y avoir un moment de décalage et d’adaptation inévitable.

Quel rôle a joué l’effet de groupe ?

Patrick Clervoy : La cohésion, la solidarité et la fraternité sont un extraordinaire facteur de protection contre le stress et le traumatisme psychique. Aujourd’hui, l’une de leurs principales épreuves est de réussir à gérer leur séparation et à reprendre une trajectoire individuelle. Je pense que cela nécessitera un suivi par une équipe de psychologues.

Éric Zipper : Dans leur malheur, ils ont quand même eu une chance : être plusieurs. L’effet de groupe permet en effet des échanges, des moments de faiblesses compensés par les autres. Pour eux, la meilleure solution serait que le groupe ne se disperse pas trop vite pour qu'ils puissent changer progressivement les repères communs qu’ils avaient trouvés par les repères qu’ils ont construits avec leurs proches restés en surface.

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