
La justice a rouvert, devant la cour d'appel de Paris, le dossier de l'hormone de croissance. Depuis les années 1980, 120 personnes sont mortes de la maladie de Creutzfeldt-Jacob après avoir suivi un traitement pour favoriser leur croissance.
AFP - Près de vingt ans de procédure, quatre mois de procès en première instance et une relaxe générale n'ont pas découragé les familles des dizaines de jeunes victimes de l'hormone de croissance de se presser, lundi, à l'ouverture du procès en appel de ce drame de santé publique.
"Aujourd'hui on est là, confiants et impatients que la justice rétablisse les faits. On reprend l'histoire à zéro, c'est important", a lancé en entrant à la cour d'appel de Paris Jeanne Goerrian, présidente de l'Association des victimes de l'hormone de croissance (AVHC).
L'association recense 120 jeunes victimes à ce jour, les autorités 119. Ils étaient 115 en première instance. Tous sont décédés après avoir reçu au début des années 1980 un traitement à l'hormone destiné à accélérer leur croissance.
Leurs proches n'ont pas renoncé à défendre la mémoire de ces enfants morts au terme d'une lente et douloureuse dégénérescence parce qu'on leur a fourni un médicament fabriqué à partir d'une glande crânienne, l'hypophyse, prélevée sur des cadavres qui n'étaient pas sains.
Ces familles sont plus d'une centaine, venues de toute la France, à avoir pris place sur les bancs des parties civiles. Elles espèrent encore que la justice finira par désigner des responsables de ce drame. Mais certains admettent avoir du mal à y croire.
"Je suis là, mais sans conviction. Pour l'instant, la seule responsable c'est moi qui ai accepté qu'on administre ce traitement à mon fils. Ca ne suffit pas", a confié Lea Le Thaeno, mère de Benoît, mort à 28 ans.
En première instance, en janvier 2009, aucune condamnation n'avait été prononcée par le tribunal correctionnel de Paris.
Sept médecins et infirmiers étaient alors jugés. Ils ne sont plus que deux en appel à encourir une sanction pénale: Fernand Dray, 88 ans, ancien responsable d'un laboratoire de l'Institut Pasteur, et Elisabeth Mugnier, 61 ans, pédiatre à la retraite.
Tous deux sont bien présents sur le banc des prévenus, mais ne souhaitent pas s'exprimer face à la presse. S'affirmant innocents depuis le début de l'affaire, ils devront de nouveau s'expliquer sur les graves négligences que leur reproche l'accusation dans les opérations d'élaboration de l'hormone qu'ils supervisaient.
Les juges de première instance avaient estimé impossible d'affirmer que ces médecins avaient conscience d'exposer les enfants soignés au risque de contamination par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ).
Une conviction que leurs avocats n'ont pas manqué de rappeler avant le début de l'audience.
"Le tribunal a considéré qu'il n'y avait à l'époque aucune preuve du caractère mortifère des hormones. Les parties civiles n'acceptent pas cette décision, je le comprends, mais la justice a dit qu'on ne pouvait pas imaginer les conséquences de ce traitement", a souligné Me Olivier Metzner, qui défend Mme Mugnier.
Trois autres personnes sont rejugées, mais uniquement sur les intérêts civils. Elles n'ont donc à craindre que d'éventuels dommages et intérêts.
Deux autres prévenus sont décédés depuis le premier procès, dont le professeur Jean-Claude Job, ancien président de l'association France Hypophyse qui avait alors le monopole du traitement à l'hormone de croissance.
"J'ai le sentiment qu'on va faire un procès à des fantômes", s'est désolé Me Bernard Fau, l'un des avocats des parties civiles qui ont promis de répondre présentes jusqu'à la fin des débats, le 24 novembre.