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Et Lula mit le Brésil sur le devant de la scène internationale

Le Brésil est une puissance mondiale et entend bien être reconnu comme telle. De l'Amérique à l'Afrique, de l'Europe à l'Asie, Brasilia a, en quelques années, tissé un réseau diplomatique et économique inédit dans l'histoire du pays (partie 1).

Dès son arrivée au pouvoir en 2003, Luiz Inácio "Lula" da Silva offre une nouvelle orientation à la politique étrangère du Brésil. Exit l’image du "géant économique, nain diplomatique". Brasilia veut se faire entendre et le fait savoir. "La politique extérieure du président Lula se veut affirmée et visible, sinon spectaculaire", note Alain Rouquié, spécialiste de l’Amérique latine contemporaine, dans son ouvrage "Le Brésil du XXIe siècle". "L’ambition ne fait pas bon ménage avec la discrétion : un Brésil fier de son identité a un rôle international à tenir, il n’a pas à s’en cacher."

Objectif premier : le leardership en Amérique du Sud

Sa cible première : l’Amérique du Sud. Soucieux d’asseoir l’influence de Brasilia dans la

région, Lula "convoque" tour à tour, dès son entrée en fonctions, tous les chefs d’État du sous-continent et multiplie les partenariats économiques, politiques et culturels. "Le Brésil a tout intérêt à avoir des voisins solides, et non pas appauvris et fragilisés par des crises sociales et économiques", répète à l’envi le chef de l’État brésilien.

Tout au long des deux mandats de Lula, Brasilia va s’appliquer à préserver la stabilité de la région. Ainsi, le Brésil met fin à un vieux contentieux concernant un barrage hydroélectrique avec son voisin paraguayen, apporte un indéfectible soutien au président bolivien, Evo Morales, lorsque celui-ci se met en tête de nationaliser les réserves de gaz naturel, et s’affiche avec son homologue vénézuélien, Hugo Chavez, quand celui-ci est accusé d’autoritarisme à travers le monde.

"Un des grands atouts du Brésil sur la scène internationale est la coexistence harmonieuse avec ses voisins", assure Celso Amorim, ministre brésilien des Affaires étrangères, dans une tribune parue dans "Le Monde" daté du 30 août dernier. "Le gouvernement Lula s’est engagé, depuis le premier jour, à unir davantage le continent sud-américain par le biais du commerce, de l’infrastructure et du dialogue politique", poursuit-il. Ainsi en quelques années, Brasilia et ses voisins ont renforcé et étendu l’Union douanière sud-américaine (Mercosur), donné naissance à l’Union des nations sud-américaines (Unasur) et pris leurs distances avec les États-Unis.

Défenseur des pays émergents

C’est d’ailleurs en faisant entendre sa voix face aux grandes puissances que le Brésil a gagné en visibilité sur la scène internationale. Lors du sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Cancùn (Mexique), en 2003, le Brésil s’impose en grand défenseur des intérêts des États émergents en prenant la tête d’une fronde initiée par une vingtaine de pays du Sud. "Lula milite pour que le monde passe d’un fonctionnement bipolaire à un fonctionnement multipolaire, dans lequel il aurait un rôle reconnu", analyse Bruno Muxagato, politologue spécialiste du Brésil à l’Institut des hautes études de l’Amérique.

En bloc, le Groupe des 23 (G23, créé en réponse au G8) fait valoir ses revendications et exige des compensations à l’ouverture de leurs marchés aux pays riches. Cette alliance Sud-Sud a l’ambition d’ouvrir de nouvelles portes aux pays émergents en leur permettant d’envisager de nouveaux rapports de force dans les négociations commerciales avec les pays du Nord. "Mais pour le Brésil, il s’agit surtout d’un tremplin politique, poursuit Bruno Muxagato. Depuis des années, les Brésiliens veulent siéger au Conseil de sécurité de l’ONU. Ils cherchent le maximum de voix pour y accéder. Mais cela ne fonctionne pas vraiment. Les pays pauvres ne se leurrent pas : leurs intérêts et ceux du Brésil ne convergent pas."

Commercialement cependant, les relations Brésil-pays du Sud sont au beau fixe. Le pays, traditionnellement tourné vers l’Union européenne et les États-Unis, a notamment réussi à s’implanter dans de nombreux pays d’Afrique et a profondément transformé son système commercial. Ses échanges commerciaux se font désormais essentiellement avec le Sud. Brasilia a ainsi réussi à acquérir une indépendance économique vis-à-vis du Nord, ce qui l’a relativement épargné de la crise.

* "Le Brésil du XXIe siècle : naissance d’un nouveau grand pays", Fayard, 2006.

2e partie : une relation tendue avec les États-Unis