
Khaled et quelques complices, dont le chanteur andalou Maurice El Médioni, ont ressuscité, le week-end dernier, à Paris, les folles années des "Cafés d’Oran". Plongée dans les années 1930, où vin, amour, islam et judaïsme faisaient bon ménage...
L’amour, le vin et le sexe. Trois maîtres mots, et autant d’interdits, qui régissent le voyage musical proposé le week-end dernier au Cirque d’Hiver, à Paris. Trois nuits durant, du 24 au 26 septembre, le célèbre chanteur de raï Khaled a ressuscité l’âme des cabarets et des cafés de la ville algérienne d’Oran et ravivé le souvenir de leurs soirées endiablées.
Des soirées animées par des "cheikhs", ces maîtres adulés qui font l’éloge de tous les tabous. Des soirées qui, dans les années 1930, avaient donné à Oran, ville occidentale s’il en est, sa réputation de "ville de la joie", "ville du divertissement", "ville de tous les interdits".
Aujourd’hui cinquantenaire - il est né le 29 février 1960 à Sidi el-Houari, ancien quartier judéo-espagnol d’Oran -, Khaled a chanté et dansé comme au bon vieux temps. Sans s’interdire d’interpréter des chansons qui paraîtraient osées dans la société algérienne de ce XXIe siècle.
"Nous sommes tous les enfants de l’Algérie"
Mais l’Oran du siècle précédent n’était pas celle d’aujourd’hui. La "radieuse", comme on la surnomme également, était un symbole de l’amitié judéo-musulmane. Aussi était-il naturel de voir se produire sur la scène du Cirque d’Hiver Maurice El Médioni, le doux interprète de la musique andalouse, "l’ami juif" contraint à l’exil en 1961 mais dont le cœur reste habité par son pays.
"Je ne peux que m’incliner, en toute humilité, devant cet homme, explique Khaled à France24.com. Petit, j’adorais tout ce qu’il faisait, je fuguais de la maison pour assister à ses soirées ; qu’y a-t-il donc de plus beau que d’être réunis ici, nous les enfants d’Oran, pour célébrer ses veillées, ses cafés et ses cabarets ?" Entre juifs et musulmans ? "Nous sommes tous les enfants de l’Algérie", répond le chanteur.
Maurice El Médioni a chanté son pays sans jamais prononcer son nom. Et l’évocation fut belle, imagée : "Les senteurs du jasmin montent de mon pays. Les femmes étaient belles dans mon pays. J’aime le raï et la musique andalouse des cafés et cabarets de mon pays." En dépit de ses 82 ans, le musicien a joué au piano, comme il l’a toujours admirablement su le faire, fredonnant des airs du "chaâbi", célèbre patrimoine musical algérois. Devant un "Cirque" enfiévré, l’Andalou a chanté "Ahlan wa sahlan" (Bienvenue) et "Nissaa bladi" (Les Femmes de mon pays).
Fil conducteur de la soirée, Khaled, lui, s’est illustré avec "Darna l’amour" (On a fait l’amour) ou "Alaa lazrag rani nsal" (Je cherche la brune). Avec son rire légendaire, il a mené le public à sa guise. C'est à peine s'il a caché son émotion devant l’hommage que ses complices, Cheb Sahraoui, Cheba Zahouania et le grand Boutiba Esseghir ont rendu à la chanson "raï" introduite en France dans les années 1990 grâce notamment à un certain… Khaled.