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L'Opep, une force pas si tranquille

L’Opep est sortie renforcée de la crise économique. Mais le cartel des pays exportateurs de pétrole fait face à de nouveaux défis dont le plus important pourrait être le retour de l’Irak sur le devant de la scène.

L’Opep va bien, merci. Mais pour combien de temps ? Après avoir passé 50 ans à dominer le marché de l’énergie, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole fait aujourd’hui face à un double défi : une pression sur les prix, et la mode des énergies nouvelles ou renouvelables (soleil, vent, etc.) qui gagne en popularité. Sans compter le retour programmé de l’Irak sur le devant de la scène pétrolière qui risque de perturber le bel équilibre au sein de l’Opep.

L’Opep roule sur l’or noir. En 2008, les pays exportateurs de pétrole se sont fait une belle frayeur. Crise économique aidant, les prix du brut ont chuté de 147 dollars à 30 dollars le baril. L’Opep a donc décidé en décembre de réduire drastiquement sa production pour influer sur les prix. "Ils l’ont baissée d’environ 4 millions de barils par jour", se souvient Jean-Pierre Favennec, spécialiste du pétrole et enseignant à l’Institut français des énergies nouvelles. Depuis lors, les prix se sont stabilisés aux alentours de 70 dollars le baril. Un prix idéal selon l’Arabie saoudite – premier producteur mondial – qui garantit des rentrées d’argent confortables, sans faire fuir les clients vers d’autres sources d’énergie.

Des prix sous pression. "Théoriquement, si on regarde les indicateurs, le prix du pétrole devrait descendre", note Jean-Pierre Favennec. En effet, la production continue

tranquillement à augmenter tandis que la demande reste "molassonne". Cette stabilité des prix en pleine période d’incertitude économique s’expliquerait par "une très bonne cohésion entre les pays de l’Opep qui se rangent aux vues de l’Arabie saoudite", selon Jean-Pierre Favennec. Le cartel pétrolier a appris de ces erreurs passées. Dans les années 1980, après la révolution islamique en Iran, les tensions au sein de l’organisation avaient provoqué une très grande fluctuation des prix.

La concurrence des énergies nouvelles. Éoliennes, bio-carburants ou encore énergie photovoltaïque (solaire) cherchent à faire de l’ombre au pétrole, dont on sait que les réserves ne sont pas éternelles. "Ces nouvelles énergies vont gagner en importance et il faut investir dans ce secteur car elles permettront dans certains cas de faire des économies", admet Jean-Pierre Favennec. Mais tout indique que l’Opep peut dormir tranquille encore un bon moment. Actuellement, ces alternatives ne représentent que 2 % des demandes énergétiques et les dernières prévisions du Conseil mondial de l’énergie indiquent que rien ne devrait fondamentalement changer dans les 40 prochaines années. Et l’Opep n’est pas prête à refaire le coup de 1973 : lors de la hausse brutale des prix du brut, les pays importateurs, gagnés par la crainte de la pénurie, s’étaient tournés vers d’autres formes d’énergie comme le charbon ou le gaz.

Une redistribution interne des cartes. L’ennemi vient toujours de l’intérieur. Un vieil adage qui pourrait se confirmer dans le cas de l’Opep où tout est rapport de force. Pour l'instant l'Arabie saoudite réussit à tirer tout le monde dans le même sens. "La question essentielle aujourd’hui est celle de la cohésion interne et du leadership", affirme Jean-Pierre Favennec. Le cartel vit une époque charnière avec le retour en force de l’Irak. La multiplication des projets pétroliers dans ce pays promet une explosion de sa capacité de production dans les mois à venir. "L’addition de ces projets correspond environ à 10 millions de barils par jour en plus", juge Jean-Pierre Favennec. De quoi faire de l’ombre à l’Arabie saoudite. L’Irak, en pleine reconstruction, pourrait alors avoir envie de faire monter les prix pour augmenter ses rentrées d’argent…

L’autre front se situe en Amérique du Sud. En effet, le Brésil dispose au large de ses côtes d’énormes gisements qui ne demandent qu’à être exploités. Brasilia s’est d’ailleurs lancé dans des programmes d’investissement d’environ 40 milliards de dollars. "Il en faudrait bien plus, environ 100 milliards de dollars pour tirer profit de ces gisements", tempère Jean-Pierre Favennec. Car ces ressources, appelées pétrole non-conventionnel, se trouvent très bas sous le niveau de la mer et leur exploitation requiert des techniques et du matériel de pointe.

Tags: Pétrole, Opep,