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Est-ce que la France peut encore se permettre de faire grève ?

Après les vacances à la plage, voici (re)venu le temps des grèves. À peine fini le traditionnel mois de vacances sur le littoral, les Français sont prêts pour le grand rituel de la rentrée : manifester.

Une semaine après la fin de ce légendaire mois d’août passé à bronzer sur les plages, les Français font leur rentrée. Et comme chaque année, ils se préparent à faire grève.

Ce mardi, les grands syndicats français dont la CGT, CFDT et FO ont organisé un mouvement social qui, comme tous les ans, devrait semer le trouble dans le quotidien de dizaines de millions de personnes. De nombreuses perturbations sont à craindre dans les services publics, comme les transports en commun ou encore La Poste et l’éducation.

Les syndicats sont fermement opposés au projet de loi sur la réforme du système de retraite du président Nicolas Sarkozy. Et ils comptent bien se faire entendre, mardi, en battant le pavé pendant que le ministre du Travail Éric Woerth proposera à l’Assemblée de porter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, contre 60 ans actuellement.

Depuis l'étranger, on scrute le débat sur cette épineuse question, entraînant des mouvements de grève, avec une certaine confusion. Les pays industralisés ont, pour leur part, déjà modifié le curseur de l'âge afin d’équilibrer leur régime de retraite. Certes, le changement ne s’est pas fait sans mal, mais il n’a certainement pas provoqué le tollé que connaît la France. Les salariés ont rapidement pris conscience qu’ils n’avaient pas d’autres choix que de travailler plus longtemps, au vue des réalités économiques actuelles, difficiles dans leur pays.

Aux États-Unis et en Europe - anciennes puissances industrielles tournées aujourd’hui vers les économies de services -, les syndicats ouvriers se sont incontestablement affaiblis ces dernières décennies. Parmi les six plus importantes économies au monde, l’OCDE recense moins d’un tiers de leur population rattachée à un syndicat. Ceci explique en partie pourquoi les grèves nationales sont devenues moins fréquentes dans ces pays.

L’exception française

Dans ce domaine, l’Hexagone, qui compte 7,7 % de sa population rattachée à un syndicat, fait figure d'exception car les organisations syndicales y restent très influentes.

Les médias américains s’étonnent sur quelques contradictions françaises. “Les Français sont en fait de plus en plus attachés à protéger leur système de retraite depuis que la situation économique est critique, et leurs acquis français deviennent encore plus intouchables que jamais”, indiquait un article de Newsweek.

Le Wall Street Journal va jusqu’à prescrire un conseil au président Sarkozy pour résister au mouvement social de mardi : ne rien faire. Le quotidien estime qu’avec une population si peu syndiquée, l’évolution démographique et l’allongement de l’espérance de vie jouent en faveur du président.

Par ailleurs, le journal note qu’avec un déficit budgétaire (8 % du PIB en 2010) qui dépasse de trois fois le plafond autorisé par l’Union européenne et un pourcentage de la dette publique le plus élevé des grandes économies européennes, il est impératif que le projet de loi de Sarkozy l’emporte : “Si le port de l’âge légal à 62 ans ne passe pas, le plan d’austérité de M. Sarkozy ne servira pas à grand chose.”

Le problème n’est pas que les ouvriers français touchent de belles pensions de retraites, opine Christopher Caldwell dans le magazine conservateur américain The Weekly Standard. “C’est plutôt le jeune âge auquel les gens partent à la retraite” conclut-il. C'est aussi en France que l'on passe le plus de temps à la retraite : 24,5 années en 2007 chez les hommes et 28 chez les femmes. Avec seulement trois salariés pour un retraité (un rapport qui passera à 1,5 en 2050), Caldwell prédit la fin prochaine du secteur public qui soutient le système actuel.

De nombreux observateurs basés à l’étranger s’interrogent sur comment un pays doté d’une démographie vieillissante qui affiche des déficits records en période de récession économique, ne peut-il pas modifier un système de retraite d’une autre époque ? Pourtant, mardi, lorsque des millions de Français vont devoir s’accommoder des inconvénients de cette grève, il n’est même pas garanti que cette question trouve une réponse.