Une délégation roumaine est en visite en France pour évoquer une coopération renforcée sur la question des Roms. Mais la politique d'expulsion menée par Paris, et critiquée de toute part, a crispé les relations entre les deux pays.
La rencontre s’est déroulée "dans un esprit constructif et amical". C’est ce qu’a indiqué le ministre de l’Immigration Eric Besson mercredi, à l’issue de sa rencontre avec deux secrétaires d’Etat roumains en visite à Paris - Valentin Mocanu, chargé de l'intégration des Roms, et Dan Valentin Fatuloiu, responsable de l'Ordre et de la sécurité publique.
"Je n'ai pas entendu le nombre du quart d'un demi-grief" de la part des Roumains, a affirmé Eric Besson. "On ne peut pas parler de tensions" entre les deux pays, a pour sa part déclaré Dan Valentin Fatuloiu.
Une intensification de la coopération
Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, qui participait aussi à la réunion aux côtés du secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche, a assuré que les deux délégations avaient décidé de développer "un partenariat fort pour favoriser en Roumanie une politique d'intégration des Roms".
Il a aussi annoncé que le nombre de policiers roumains en France allait passer de 4 à 14 et qu’un magistrat roumain allait être affecté à la direction générale de la police, pour lutter, selon lui, contre les "réseaux" de mendicité et de délinquance.
Cette réunion visait officiellement à renforcer et à améliorer la coopération entre les deux pays, alors que les relations s’étaient dégradées suite au durcissement de la politique française d'expulsion des Roms, dénoncé par la Roumanie.
Il n'y a pas de "risque d'invasion"
Mardi, le secrétaire d'État aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, a une nouvelle fois défendu la politique française à l'égard des Roms, dans une tribune adressée aux autorités roumaines et bulgares. "Ces populations, qui n'ont souvent jamais été scolarisées, sont dans la plupart des cas victimes de véritables réseaux et trafics d'êtres humains, écrit-il. [...] La libre circulation n'est pas sans limites et s'exerce en liaison avec des mesures de prévention de la criminalité. Elle ne saurait en aucun cas devenir un alibi à une immigration massive."
"La France n'a pas vocation à accueillir tous les Roms", a déclaré de son côté le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, dans le quotidien "Le Monde" daté de mercredi.
Membre du collectif RomEurope et président de l'association Hors la rue, Alexandre Le
La plupart des Roms sont originaires de Roumanie et de Bulgarie, deux pays membres de l’Union européenne (UE) depuis 2007. Ils peuvent donc circuler librement dans les pays de l'UE, mais sont soumis à des restrictions "transitoires". Ils doivent notamment demander une autorisation pour travailler en France.
Comme tous les Européens, les Roms sont soumis à une obligation de ressources s'ils désirent rester en France au-delà de trois mois. Ils peuvent également être expulsés à tout moment s'ils sont reconnus coupables de troubles à l’ordre public.
Clève a dénoncé sur FRANCE 24 le "risque d'invasion des populations roms en France", agité par les responsables politiques. "Les chiffres sont stables, il y a entre 15 000 et 20 000 Roms d'origine roumaine en France. C'est une goutte d'eau ! La France ne doit pas se dédouaner. La liberté de circulation et d'installation au sein de l'Union européenne est un principe fondamental", rappelle-t-il.
Surtout, la Roumanie n'est pas en mesure de régler seule les problèmes de ces populations, estime-t-il. Outre des problèmes de corruption, le pays fait face à de nombreuses difficultés. "La situation politique, économique et sociale est assez dramatique, constate-t-il. Il y a par exemple une baisse de 25 % des salaires des fonctionnaires, un quart d'entre eux va être mis à la porte en septembre, il n'y a plus d'autorité en matière de protection de la jeunesse... Beaucoup de signes témoignent d'une déliquescence de l'État."
Critiqué chez lui mais aussi à l'étranger, le gouvernement français poursuit néanmoins le démantèlement des camps illégaux. Selon Eric Besson, 635 Roms ont été reconduits dans leur pays d'origine depuis le 28 juillet, un nombre qui devrait atteindre 950 d'ici fin août. Quelque 10 000 Roms sont expulsés du territoire français chaque année. Si Paris parle de "retours volontaires", la majorité des Roms entendent bien revenir en France.
Critiques du Conseil de l'Europe
Mardi, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (Ecri), un organe du Conseil de l'Europe, a à son tour mis en garde la France contre une stigmatisation des Roms. En juin déjà, elle avait demandé à Paris de combattre les attitudes racistes vis-à-vis de cette minorité et de respecter ses droits sociaux. Dans une déclaration publique - une démarche exceptionnelle -, l'Ecri a exprimé hier sa "déception" face à une évolution "particulièrement négative".
"La lutte contre l’immigration irrégulière ne doit pas être instrumentalisée de part et d’autre. La tradition humaniste de la France va de pair avec le respect de ses lois par tous ceux qui se trouvent sur son territoire", a-t-il indiqué, appelant à agir "avec fermeté, continuité et justice, sans laxisme ni excès".
De son côté, la Commission européenne a annoncé, mercredi, qu'elle allait examiner si les mesures en France d'expulsion de Roms sont conformes au droit communautaire. Et le Parlement européen devrait ouvrir sa session de rentrée avec un débat sur la situation des Roms en Europe, notamment en France.