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"Les études relatives à la marée noire dans le golfe du Mexique manquent de rigueur"

Qu’est-il advenu des millions de barils de pétrole déversés dans le golfe du Mexique ? Les chiffres contradictoires récemment dévoilés ne sont que des "estimations" à prendre "avec des pincettes", selon le spécialiste français Christophe Rousseau.

Tantôt rassurants tantôt alarmistes, les chiffres qui ont été rendus publics ces dernières semaines concernant la marée noire du golfe du Mexique semblent présenter des conclusions différentes. Des 784 millions de litres de pétrole déversés en avril dernier, difficile de dire combien se trouvent encore dans l’océan.

D’un côté, les relevés officiels de l’administration américaine en charge de la météorologie et des océans, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui estime, dans un rapport publié le 4 août, que les trois quarts du pétrole déversés dans le golfe du Mexique ont d’ores et déjà été éliminés. De l’autre, l’université de Géorgie, venue doucher le bel optimisme des autorités américaines en publiant une étude, le 16 août, dans laquelle ses chercheurs estiment que 79% du pétrole se trouve toujours dans l’océan.

Des marges d’erreurs très importantes

"Les deux études ne sont pas aussi contradictoires qu’elles peuvent le laisser penser", estime cependant Christophe Rousseau, l'un des responsables du Centre de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), basé à Brest. Interrogé par FRANCE 24, il assure qu’elles peuvent même se recouper "si on prend en compte les marges d’erreurs". "Les chiffres avancés ne sont pas faux, mais ils correspondent à des estimations. Les chercheurs de la NOAA et de l’université de Géorgie, qui sont pourtant des scientifiques reconnus et même des pointures dans le milieu, auraient dû être plus rigoureux et bien préciser qu’il s’agissait d’estimations."

Si les chiffres sont si différents, c’est que les marges d’erreur sont très importantes, précise Christophe Rousseau. "De plus, dans ses calculs, l’université de Géorgie n’a pas pris en compte le pétrole récupéré dans le fond soit 17% du pétrole déversé selon la NOAA. Ils tablent donc 'juste' sur 4,1 millions de barils déversés dans l’océan, contre 4,9 pour la NOAA. Un autre facteur qui peut expliquer la différence des chiffres", poursuit-il.

S’il est si difficile d’établir des données chiffrées fiables lors des marées noires, c’est que les seuls indicateurs dont on a une idée précise sont ceux concernant les quantités récupérées. "Pour le reste, tous les chiffres sont à prendre avec des pincettes", prévient Christophe Rousseau.

L’exemple de l’Erika

Lors du naufrage du pétrolier Erika en décembre 1999 au large des côtes bretonnes, les quantités de pétrole recueillies avaient déjà fait débat. Mais l’ampleur de la catastrophe écologique était bien moindre que celle qui a frappé le golfe du Mexique, assure Christophe Rousseau. "La marée noire sur les côtés bretonnes a été très spectaculaire car il s’agissait de pétrole lourd, raffiné et visqueux, qui s’échappe très près des côtes. Les images de pétrole souillant les côtes sont choquantes, mais plus la fuite se produit à proximité de la côte, plus il est aisé de récupérer le pétrole car le cône de dissémination est plus petit. Dans le cas de BP, où il s’agit de brut léger très difficile à récupérer, la fuite a lieu loin des côtes et à une grande profondeur, le pourcentage de pétrole qui va rester dans l’océan va être bien plus élevé que dans le cas de l’Erika."

Malgré l’optimisme de certaines études et la récente baignade médiatique de Barack Obama dans les eaux de Floride, du pétrole continue de souiller le golfe du Mexique. Des milliers de poissons morts ont été découverts ces derniers jours à l'embouchure du Mississippi, en Louisiane, selon le journal "Times-Picayune" de La Nouvelle-Orléans. Les autorités ont annoncé qu’elles allaient se pencher sur un éventuel lien avec la marée noire.