Isolé dans plusieurs bactéries, un gène de résistance aux antibiotiques est actuellement étudié par les milieux médicaux. Des cas ont été identifiés particulièrement en Inde et au Pakistan depuis deux ans.
AFP - Un gène de résistance aux antibiotiques, isolé dans des bactéries aussi communes que les colibacilles, inquiète les milieux médicaux, des cas ayant été identifiés un peu partout dans le monde ces deux dernières années, du sous-continent indien au Royaume-Uni.
Les cas les plus nombreux ont été décrits au Pakistan et en Inde (150), mais il ne s'agit pas d'un recensement exhaustif et la réalité est "sûrement supérieure", estime Patrice Nordmann, directeur de l'Unité Inserm "Résistances émergentes aux antibiotiques", qui est un centre d'expertise internationale.
Surtout, des chercheurs ont montré une extension rapide du nombre de cas (une quarantaine) ces deux dernières années dans les hôpitaux britanniques, en particulier chez des patients ayant subi des interventions chirurgicales en Inde et au Pakistan.
Le gène avait été identifié pour la première fois en Suède en 2008 chez un patient ayant été hospistalisé en Inde auparavant.
Depuis, on a déjà trouvé des souches en Belgique (dont un cas mortel), aux Pays-Bas, au Canada, aux Etats-Unis, en Australie, en France (un cas connu), mais aussi au Kenya (6 cas) et à Oman, indique le Pr Nordmann. Dans la plupart des cas, il s'agit de patients soit d'origine indienne ou pakistanaise, soit ayant séjourné dans un hôpital du sous-continent indien.
En Australie, le professeur Peter Collignon, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital de Canberra, a estimé que les cas connus ne représentaient que la "partie émergée de l'iceberg", soulignant la difficulté à "repérer ce gène particulier".
Le gène en question permet la production d'une enzyme dite "New Delhi métallo-beta-lactamase" (NDM-1) qui inactive la plupart des antibiotiques : pénicillines, céphalosporines, carbapénèmes, ces derniers étant habituellement réservés aux infections les plus graves.
De plus ce gène est situé dans des bactéries qui ont déjà d'autres gènes de résistance et qui deviennent de ce fait multirésistantes, voire parfois résistantes à tous les antibiotiques aujourd'hui disponibles.
En France, la seule souche identifiée à ce jour reste sensible à plusieurs antibiotiques, précise le Pr Nordmann.
Les motifs d'inquiétude sont néanmoins nombreux, souligne-t-il :
- Le gène a été repéré dans des bactéries de la famille des entérobactéries, notamment les Escherichia coli (E. coli, ou colibacille) et les Klebsiella pneumoniae (K. pneumoniae). Or E. coli est la source la plus fréquente d'infections bactériennes humaines, en particulier la source la plus fréquente des infections urinaires.
- K. pneumoniae est essentiellement à l'origine d'infections hospitalières, que l'on peut espérer pouvoir isoler. En revanche, la diffusion d'E. coli est plus difficilement contrôlable.
- On est face "à un réservoir potentiellement très important", la population du sous-continent indien.
- Il n'y a pas aujourd'hui dans les tuyaux de nouveaux antibiotiques susceptibles d'agir contre les super-pouvoirs conférés aux bactéries par l'enzyme NDM-1.
"Avec ce genre de bactérie, nous avons presque épuisé les antibiotiques. Seuls deux peuvent les combattre et l'un d'entre eux n'est pas très efficace. Il n'y aura pas de nouveaux antibiotiques disponibles avant dix ans. Si l'on permet à ces infections de se poursuivre sans traitements appropriés, on verra sans doute une certaine mortalité", a pour sa part indiqué Timothy Walsh (université de Cardiff, Royaume-Uni).
Le développement prévisible du tourisme médical en Inde est un autre sujet de préoccupation.