Journaux, radios et télévisions font la grève de l'information ce vendredi. Ils entendent protester ainsi contre un projet de loi du gouvernement Berlusconi qui limiterait leur liberté d'informer sur des enquêtes judiciaires.
AFP - Les journalistes italiens se sont imposé vendredi une "journée du silence", avec une grève massive dans les journaux, radios et télévisions, pour protester contre un projet de loi du gouvernement de Silvio Berlusconi limitant les écoutes téléphoniques et leur publication.
Pour la Fédération nationale de la presse (FNSI, syndicat national des journalistes) qui a appelé à cette "journée du silence", il s'agit d'un "geste symbolique pour montrer tous les silences que la loi imposerait".
Dès vendredi 7H00 (5H00 GMT), les fils des agences d'information se sont arrêtés et les sites internet des quotidiens ont cessé d'être actualisés. Les chaînes d'information en continu se sont limitées à trois éditions allégées.
La totalité des journaux à grand tirage, comme le Corriere della Sera, la Repubblica ou la Stampa, étaient absents des kiosques, à l'exception d'Il Giornale, quotidien de droite appartenant au frère de Silvio Berlusconi.
Dans une vidéo postée sur le site, son directeur, Vittorio Feltri, a expliqué lui aussi "ne pas être satisfait de la loi-bâillon", mais a jugé "erroné de se mettre le bâillon tout seul".
A l'autre extrémité du spectre politique, l'un des dirigeants d'Il Fatto (gauche), Marco Travaglio, a également critiqué cet "auto-bâillonnement", tout en s'y pliant pour ne pas affaiblir le front d'opposition au texte.
Le projet de loi, adopté au Sénat le 10 juin et qui doit encore être approuvé par les députés, prévoit jusqu'à deux mois de prison et une amende pouvant atteindre 464.700 euros pour les médias (presse écrite ou audiovisuelle) diffusant des écoutes ou des enregistrements audio et vidéo pendant une enquête judiciaire.
Le chef du gouvernement le défend au nom du respect de la vie privée et des droits de la défense.
"En Italie, nous sommes tous espionnés, il y a 150.000 téléphones sous écoute et ceci est intolérable", a-t-il affirmé. Il a assuré que jusqu'à 10 millions de personnes pouvaient être mises sur écoute, un chiffre contesté par les spécialistes.
"Je reste convaincu que c'est une loi sacro-sainte", a-t-il martelé jeudi soir. Il a rappelé un projet similaire adopté en 2007 par la gauche mais a omis d'évoquer son abandon, après, déjà, "une "journée du silence de l'information".
De leur côté, l'opposition de gauche et la majorité des grands médias voient dans ce projet une tentative de museler la presse et d'empêcher la divulgation d'informations embarrassantes pour le chef du gouvernement.
Selon eux, ce texte aurait permis d'étouffer des affaires comme celle qui touche actuellement le chef de la Protection civile Guido Bertolaso, un protégé de Berlusconi soupçonné de corruption dans l'attribution de marchés publics, et qui a déjà coûté son poste au ministre du Développement économique.
Il y a une semaine, plusieurs milliers de personnes avaient déjà manifesté à Rome contre cette "loi bâillon", symbolisé par un petit post-it jaune que La Repubblica place désormais tous les jours à sa une.
Ce texte fait également l'objet d'attention hors d'Italie. Selon la commissaire européenne en charge de la Justice, Viviane Reding, l'UE suit "avec attention" son évolution et veillera au respect de "la liberté de la presse".
L'OSCE et les eurodéputés ont récemment appelé l'Italie à revoir ce projet et Reporters sans frontières a salué "la mobilisation de la presse italienne" sur un texte qui s'attaque à "l’investigation judiciaire".