Le patron de Radio France, Jean-Luc Hees, annonce le départ de Stéphane Guillon (photo), humoriste sur France Inter, estimant que "l'humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans". Le chroniqueur Didier Porte est également renvoyé.
France Inter se déleste de deux humoristes : Stéphane Guillon et Didier Porte. Le PDG de Radio France, Jean-Luc Hees, a annoncé le départ de Stéphane Guillon dans un entretien au journal "Le Monde" ce mercredi matin. Quelques instants plus tard, Didier Porte annonce à l’AFP qu’il est licencié de la radio de service public.
"L'humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans." Telle est l’explication donnée par Jean-Luc Hees, PDG de Radio France depuis mai 2009, dans une interview au quotidien "Le Monde", pour justifier l’éviction de l’humoriste Stéphane Guillon, auteur de chroniques sur France Inter à 7 h 55 du lundi au mercredi. Le patron du groupe de service public dit avoir pris cette décision "non pas sur une quelconque pression politique mais en m'appuyant sur des valeurs minimales d'éducation et de service public." Il affirme ne pouvoir accepter "de se faire insulter par un de ses salariés sans le sanctionner". Il ajoute qu’il n’y aura "pas de changement d'horaire ni de remplaçants. Ce qui ne fait pas rire à 7 h 55 ne me fera pas plus rire à 3 heures du matin. Je sais qu'en prenant cette décision, il y a un risque. Mais j'assume !”
La décision de la direction de Radio France était attendue, depuis que le directeur de France Inter, Philippe Val, a parlé de son intention d’exclure une chronique humoristique de la tranche d’information matinale. Il a assuré dans "Télé Loisirs", ce lundi, que son intention "n'est pas de [se] débarrasser de lui", "mais dans une tranche matinale vouée à l'information, il n'est pas utile de sortir son nez de clown. Voilà c'est tout."
Dans sa désormais dernière chronique, ce matin, Stéphane Guillon se demande si son renvoi est une décision politique. "Si c’est politique, c’est stupide, que je sois ou non sur cette antenne, le président [Nicolas Sarkozy] dévisse [dans les sondages]. Pourquoi renvoyer un humoriste qui réunit 2 millions d’auditeurs ?" Avant de conclure "c’est politique".
DSK, Martin Aubry, Éric Besson, Nicolas Sarkozy... et Jean-Luc Hees
L’avenir de Stéphane Guillon comme humoriste sur la radio publique la plus écoutée de France est en débat, depuis ses chroniques au vitriol du président du FMI Dominique Strauss-Kahn et de la première secrétaire du Parti socialiste Martine Aubry. Le président de la République Nicolas Sarkozy avait alors jugé ces chroniques "inadmissibles".
Le ton entre le gouvernement et l’humoriste est monté d’un cran après celle consacrée au ministre de l’Immigration Éric Besson, le 22 mars. Il a dépeint l’ancien cadre du parti socialiste devenu ministre du gouvernement Fillon, comme "une taupe du Front national", envoyé pour "infiltrer le PS, démissionner et rejoindre Nicolas Sarkozy pour, une fois au gouvernement, manœuvrer et relancer les thèses du FN". Stéphane Guillon avait brossé l’homme comme un personnage "antipathique" avec "des yeux de fouine, un menton fuyant. Un vrai profil à la Iago" (personnage de traître dans "Othello" de Shakespeare).
Jean-Luc Hees avait alors présenté "les excuses du groupe" au ministre de l’Immigration, provoquant à son tour un débat sur les rapports entre le patron de Radio France et le gouvernement – Jean-Luc Hees a été nommé par le président de la République en mai 2009 – et sur la marge de liberté dont dispose un humoriste sur une chaîne de service public.
Plus tard, Stéphane Guillon s’en était pris directement à Nicolas Sarkozy, imaginant sa mort au lendemain du décès du président polonais Lech Kaczinski, puis à Jean-Luc Hees, soulignant que ce dernier avait été nommé par le chef de l'État. Une chronique qualifiée d'"inacceptable" par le directeur de la chaîne, Philippe Val.
Les deux chroniques de Didier Porte ne sont pas renouvelées
L’éviction de Didier Porte survient ce même mercredi. Il annonce à l’AFP que le directeur de France Inter, Philippe Val, lui a signifié qu’il ne renouvellera ni sa chronique matinale ni celle de l'émission du "Fou du roi" dans la prochaine grille de rentrée. Pourtant, la semaine dernière, l’humoriste avait reçu l’assurance que sa chronique dans le "Fou du roi "de Stéphane Bern serait maintenue en septembre. Les rumeurs sur son prochain départ allaient bon train depuis que Didier Porte avait reçu une lettre d’avertissement de sa direction. Il y était épinglé pour sa chronique du 20 mai dernier dans laquelle il mettait en scène l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin insultant le chef de l'Etat.
À propos de la nouvelle grille de rentrée 2010 sur France Inter, Stéphane Guillon s'insurge : "émissions emblématiques à la trappe, journalistes sur la touche, rédacteurs en chef remplacés, mais surtout, mesdames et messieurs, liquidation totale des humoristes". Les journalistes de la radio ont voté la semaine dernière une motion contre Philippe Val, directeur de France Inter, concernant cette grille.