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"Le message de Mockus passe mal dans les campagnes colombiennes"

Alors que le 1er tour de la présidentielle colombienne a surpris les sondeurs, qui annonçaient un duel serré entre Mockus et Santos, une militante du Parti vert raconte à France24.com comment elle a vécu le scrutin et son résultat depuis Cali.

Doctorante et chercheuse à Sciences-Po, Ana Carolina Gonzalez Espinosa est militante du Parti vert d’Antanas Mockus et était observatrice dans un bureau de vote de Cali lors du premier tour de l’élection présidentielle.

France 24 : est-ce que le résultat du premier tour vous surprend ?
Ana Carolina Gonzalez Espinosa : Oui, il m’a surpris, on croyait tellement à ces sondages qui donnaient Mockus au coude-à-coude avec Santos… On leur a trop fait confiance. Mais, finalement, la géographie du vote n’est pas si surprenante : dans les grandes villes comme Bucaramanga, Cali ou Barranquilla, l’écart n’est pas énorme entre Santos et Mockus. Par contre, le vote des campagnes colombiennes a été très pro-Santos. La Colombie rurale demeure conservatrice et le message d’Antanas Mockus, qui parle de changer la culture politique colombienne, d’éducation, de retour à la légalité, passe mieux dans les milieux urbains et éduqués. Le résultat le plus surprenant reste celui de Bogota, où Mockus jouissait d’une certaine popularité. Là, il semble que Vargas (candidat conservateur) ait conquis une partie de son électorat, que Mockus retrouvera peut-être au second tour.

En tant qu’observatrice du vote, avez-vous constaté des fraudes ?
ACGE : Il faut savoir ce qu’on entend par fraude. Des problèmes de comptage des voix, il y en a eu beaucoup lors des élections législatives de mars 2010, des amis en ont eux-mêmes fait l’expérience : ils votaient pour le Parti vert et leur bureau de vote ne créditait ce parti d’aucune voix ! Mais ce genre de problème ne s’est pas encore posé à Cali, où j’observais le vote de la présidentielle.
Par contre, il y a une vieille tradition d’achat des voix en Colombie. Devant des bureaux de vote, certains m’on dit qu’ils avaient vu un petit guichet où l’on vient retirer quelques pesos contre une promesse de vote. Santos en a certainement bénéficié. D’autres m’ont expliqué comment des programmes gouvernementaux ont pu servir à acheter des voix : on effraye les bénéficiaires de programmes sociaux en leur disant "Si vous ne votez pas Santos, les allocations seront supprimées."

Quelle sera la stratégie de Mockus durant ces vingt jours qui nous séparent du second tour ?
ACGE : Il ne faut pas surestimer l’importance des alliances qui peuvent être conclues entre les deux tours. A mon avis, un accord peut être trouvé entre le Parti vert et le Pôle démocratique et alternatif (gauche) de Gustavo Petro, mais est-ce qu’il sera suffisant pour peser face à Santos, qui bénéficie de l’énorme popularité du président Uribe ?
Alors pendant ces trois semaines, au-delà des alliances, je pense que la stratégie de Mockus devrait être d’adopter un message plus clair sur le programme et les propositions, de parler de santé, d’éducation… mais concrètement ! Il doit aussi revoir sa communication, car on lui a souvent reproché d’être confus. Il devra aussi motiver le vote des jeunes, qui n’a pas été suffisant par rapport à ce que l’on espérait, alors que les jeunes sont le cœur de cible de Mockus.