Le ministre du Travail a confirmé sa volonté de repousser l'âge du départ à la retraite au-delà de 60 ans. À 48 heures d'une journée de mobilisation nationale sur les retraites lancée par les syndicats, il n'a toutefois donné aucun chiffre.
AFP- La fin de la retraite à 60 ans est proche: le gouvernement a fini par admettre mardi qu'il allait "agir" sur l'âge légal de départ, choisissant de mettre en oeuvre la mesure la plus contestée par l'opposition et les syndicats dans sa réforme des retraites.
Après plusieurs jours de confusion, le ministre du Travail Eric Woerth a justifié cette "option logique", en faisant valoir que l'autre levier envisagé, l'allongement de la durée de cotisation, avait déjà été actionné par la réforme des retraites de 2003.
"Si on veut résoudre les difficultés de nos régimes d'ici (à 2020) et augmenter la durée d’activité dans les prochaines années, il faut donc agir également sur l’âge légal de départ à la retraite", a-t-il assuré, dans un entretien publié par le site internet de Paris-Match..
A deux jours d'une journée de grèves et manifestations, il a ainsi mis fin à ce qui ressemblait à un poker menteur. Quelques heures plus tôt, il lançait encore aux députés UMP: "Ne croyez pas que les choses soient verrouillées".
Soucieux de ne pas être accusé d'avoir bouclé sa réforme avant la fin de la concertation, le Premier ministre François Fillon invitait à rester prudent dans le débat, en particulier jusqu'au congrès de la CFDT (7 au 11 juin).
Le secret de Polichinelle est donc dévoilé. Mais "soyons clairs: aucune décision n'a encore été prise sur le niveau auquel il faudrait porter l’âge légal", a prévenu M. Woerth, alors que la presse évoque le plus souvent les âges de 62 et de 63 ans.
Outre l'âge légal, une source proche du dossier a indiqué à l'AFP qu'une autre piste "vraiment sur la table" était la hausse des cotisations des fonctionnaires. Pour le reste (allongement de la durée de cotisation, recettes nouvelles,..), "il n'y a pas de piste aboutie".
Repousser l'âge légal ne résume donc pas la réforme, que le gouvernement ne compte dévoiler qu'"autour du 20 juin", mais parmi les pistes en débat, c'est la plus sensible.
Elle fédère contre elle la quasi-totalité des syndicats.
"Jeudi, il faut absolument que l'ampleur des manifestations, des arrêts de travail, mette un coup d'arrêt" au gouvernement, a lancé le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault.
La retraite à 60 ans est aussi la pierre angulaire du contre-projet du PS de Martine Aubry, qui s'est engagée à revenir sur cette "mesure idéologique" en cas de victoire en 2012. Les Verts ont regretté une "prise en otage" des Français.
Plusieurs membres de l'UMP ont appuyé mardi le choix de revenir sur cet héritage de François Mitterrand.
"Les 60 ans ne sont pas un totem", a déclaré le secrétaire général Xavier Bertrand. Le président du Sénat Gérard Larcher a invoqué les exemples étrangers: "quand on est à 67 ans en Allemagne à l'horizon 2027, 2030 c'est qu'on s'est bien posé la question de l'expérance de vie".
Financièrement, le recul de l'âge légal est une mesure plus intéressante à court terme que l'allongement de la durée de cotisation.
Les chiffrages du Conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent que le recul progressif à 63 ans permettrait de couvrir 50% des besoins de financement des retraites du privé à l'horizon 2030.
Pour ses partisans, la mesure aura aussi un effet bénéfique pour l'emploi des seniors: en ancrant dans les esprits qu'on travaille après 60 ans, salariés et entreprises ne considéreraient plus qu'on est en fin de course à 55 ans.
A l'inverse, les syndicats et l'opposition font valoir le coût social de la mesure. Pour la députée PS Marisol Touraine, la retraite à 60 ans "c'est assurément une protection pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes et ne sont franchement pas parmi les plus riches dans notre pays".
Reculer l'âge légal, pour les détracteurs de la mesure, ne ferait que prolonger le chômage des seniors, qui sont une minorité à être dans l'emploi quand ils liquident leur pension.