
La tragédie qui frappe la Grèce de plein fouet a déstabilisé l'ensemble de l'Union européenne, révélant les fragilités et les limites d'une Europe dénuée d'une véritable gouvernance économique commune.
Directrice générale de la Fondation Robert Schuman, spécialiste des questions de politiques européennes, Pascale Joannin revient pour France 24.com sur les causes de la crise grecque et sur ses conséquences sur la stabilité de l'Union européenne (UE).
France 24.com : L’UE a tardé à réagir à la crise grecque. Cette lenteur est-elle révélatrice des limites de l’Europe à 27 ?
Pascale Joannin : Il ne s’agit pas des limites de l’Europe à 27 mais de l’Europe à 16, des 16 pays de la zone euro. La crise financière de la Grèce, l’un de ses États-membres, a fait apparaître une Union européenne peu solidaire, immédiatement sanctionnée par les marchés. Face à ces difficultés, on s’est aperçu que l’Europe n’avait pas les moyens légaux de venir en aide à l'un de ses membres. Les États peuvent prêter - comme ils vont le faire à hauteur de 80 milliards d'euros sur les trois ans à venir [le FMI prêtera de son côté 30 milliards d'euros à la Grèce, NDLR] - mais pas l’UE. Le mécanisme ne fonctionne pas. Il n’y a pas de pilote dans l’avion. Il y a une monnaie unique, une Banque centrale, mais pas de gouvernance économique. On avait fait un pas dans cette direction en 1992 avec le traité de Maastricht, un autre avec l’euro en 1999. Mais on savait qu’on n’était pas allé jusqu’au bout de la démarche.
F24 : La crise grecque peut-elle pousser l’Europe à se doter de nouvelles institutions ?
P.J. : Cette crise représente l’occasion ou jamais de prendre les décisions qui s’imposent pour que les tergiversations, les atermoiements, les hésitations dont les Etats-membres ont fait preuve ne se reproduisent plus. Il faut franchir un cap supplémentaire. La crise nous montre qu’il faut se coordonner et donner à l’UE les moyens d’une politique économique lui permettant, notamment, de surveiller les budgets des États-membres. L’Union doit construire ce qui lui manque : une véritable gouvernance.
F24 : L’avenir de l’Euro est-il remis en cause ?
P.J. : L’euro est une monnaie solide, un peu surévaluée, si bien que certains lui reprochent de freiner les exportations des pays européens. Cette crise apporte de l'eau au moulin de ceux qui soutenaient que l’euro était trop fort. Mais sans la monnaie unique, il ne faut pas se leurrer, les économies de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal et même de la France se porteraient aujourd’hui beaucoup plus mal. L’euro a permis de sauver les meubles, maintenant il faut sauver l’euro !
Tags: Union européenne, Grèce,