
Les habitants des maisons vouées à être rasées en Vendée et en Charente-Maritime après le passage de la tempête Xynthia ne décolèrent pas. Selon eux, les "zones noires" ont été décidées de façon "arbitraire". La résistance s’organise.
"Atterrés", "surpris", "affligés"… L’incompréhension domine dans les communes ravagées par la tempête Xynthia au lendemain de la présentation des "zones noires" - les zones dites de "danger extrême", dans lesquelles toutes les habitations devront être détruites. Plus de 1 500 maisons sont concernées en Charente-Maritime et dans le sud de la Vendée, deux régions du littoral atlantique. Habitants et élus préparent la riposte.
"Nous n’acceptons ni la cartographie des zones noires, ni la décision de détruire les maisons", déclare d’un ton sec et résolu Michel Lebozec, président de l’association de sauvegarde du village des Boucholeurs, un hameau à cheval entre les communes charentaises d’Yves et de Châtelaillon-Plage. Le village a été durement touché par la tempête. Deux personnes âgées y sont mortes noyées pendant le passage de la tempête dans la nuit du 27 au 28 février. En tout, 53 personnes ont trouvé la mort cette nuit-là.
"Les gens s'opposeront physiquement"
Pourtant, peu d’habitants de la "zone noire" sont décidés à laisser les bulldozers détruire leurs maisons. Impossible d’ailleurs d’obtenir le nombre précis d’habitations vouées à la destruction. Le plan présenté publiquement par le préfet n’est pas définitif, à la demande du maire, et de nouvelles études sont en cours.
"Ce que nous voulons, ce sont des protections en mer. Il faut aussi rénover les digues. Celles-ci sont en mauvais état", poursuit Michel Lebozec. Et en matière de digues, l’homme s’y connaît, il en inspecte tous les jours : il est contrôleur des travaux publics.
L’association, qui tente de se regrouper avec les structures créées dans les communes avoisinantes, organise des manifestations et compte rapidement saisir des conseillers juridiques et des avocats "de renom, des gens qui tiennent la route". La procédure d’expropriation prend du temps et devrait leur laisser le temps de contester le zonage effectué. "De toute façon, les gens s’opposeront physiquement. Si les bulldozers arrivent, ils feront barrage", prévient Michel Lebozec. "Enfin, nous n’en sommes pas encore là", lâche-t-il dans un soupir.
"Les technocrates parisiens" dans le collimateur
A Charron, une petite commune ostréicole de 2 300 âmes proche de La Rochelle, 120 maisons doivent être rasées. "Nous ne comprenons pas comment la cartographie a été effectuée", commente Thierry Demaegdt, à la tête de l’association Reconstruire Charron, créée au lendemain de la tempête Xynthia. "Nous sommes conscients que certaines zones doivent être classées. Nous sommes d’accord pour dire que les maisons qui ont pris la vague doivent être détruites et les terrains interdits à la construction. Mais d’autres endroits ont été classés arbitrairement en zone noire", poursuit-il, prenant l’exemple d’une de ses voisines, dont la maison est vouée à la destruction alors que seulement quelques centimètres d’eau avaient envahi le rez-de-chaussée de la bâtisse.
Thierry Demaegdt ne décolère pas contre "les technocrates parisiens, qui n’ont consulté aucun sinistré, aucune association". L'association Reconstruire Charron a prévu d’adresser une lettre au président Nicolas Sarkozy "pour que les services de l’Etat revoient leur copie". L’homme fait confiance au chef de l’État : "Il a voulu bien faire." Mais si la lettre ne suffit pas, il n’hésitera pas à aller en justice.
Les préfets de Vendée et de Charente-Maritime, contactés par FRANCE 24, n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Les élus locaux, par contre, sont intarissables. À Charron comme à Châtelaillon-Plage, les maires sont montés au créneau pour dénoncer les méthodes de cartographie. Jean-Louis Léonard, député-maire de Châtelaillon-Plage, enrage devant les "erreurs monstrueuses commises et le manque de professionnalisme de l’étude". Avec une douzaine de ses collègues – les élus ont été mis au courant des zonages avant qu’ils ne soient rendus publics -, il a réussi à faire plier les services centraux de l’Etat. En pointant des incohérences flagrantes, l’Etat a consenti à réétudier certaines zones, auparavant classées noires.