Soucieux d'éviter tout dérapage qui ternirait l'image de son pays, le président sud-africain a sommé ses compatriotes de ne pas répondre aux appels à la violence lancés au lendemain de l'assassinat du leader d'extrême droite Eugène Terre'Blanche.
"Nous déciderons plus tard comment agir pour venger la mort d’Eugène Terre’Blanche." Malgré les nombreux appels au calme lancés par les autorités sud-africaines au lendemain du meurtre du leader de l’extrême droite, le porte-parole du Mouvement de résistance afrikaner (AWB), André Visagie, a laissé planer le doute sur les intentions de son parti, avant d'exclure toute action punitive. Des propos contradictoires qui, dans un pays encore en proie aux tensions raciales, pouvaient laisser craindre une flambée de violence.
"L’extrême droite radicale sud-africaine est très fragmentée, note toutefois Dirk Kotzé, professeur à l’université d’Afrique du Sud (Unisa) de Pretoria, cité par Reuters. Il ne faut pas s’attendre à un grand mouvement de représailles, mais plutôt à des actions isolées."
Connu pour son style paramilitaire et son insigne proche de l’imagerie nazie, "l’AWB est un groupuscule qui ne s’adresse qu’à une minorité d’Afrikaners prônant la suprématie de la race blanche, observe de son côté Caroline Dumay, correspondante de FRANCE 24 au Cap. Rares sont les personnes qui prenaient Terre’Blanche réellement au sérieux."
it"Tuons le fermier blanc"
Soucieux d’apaiser les esprits, le gouvernement a néanmoins réagi avec célérité. Quelques heures seulement après la découverte du corps sans vie d’Eugène Terre’Blanche dans sa ferme de Ventersdrop (province du Nord-Ouest), le président sud-africain, Jacob Zuma, est intervenu à la télévision afin d’inviter ses concitoyens à empêcher "les agents provocateurs de profiter de la situation en alimentant la haine raciale".
Une attaque à peine voilée en direction de certains responsables politiques de son propre parti, le Congrès national africain (ANC), régulièrement accusés d’incitation à la haine raciale. Le 9 mars, le très controversé président des jeunes de l’ANC, Julius Malema, a entonné devant des étudiants de Johannesburg un chant de la lutte anti-apartheid dont le refrain, pour le moins explicite, est "Kill the Boer" ("Tuons le fermier blanc"). Une initiative que les organisations de défense des minorités blanches ont ressentie à l’époque comme un appel à la violence. Et que les partisans de l’AWB reprochent aujourd’hui d’être à l’origine de l’assassinat d’Eugène Terre’Blanche.
"En dix ans, quelque 1 250 fermiers blancs d’Afrique du Sud ont été tués", explique Caroline Dumay. Avec ce meurtre ressurgissent les vieilles angoisses d’une poignée d’Afrikaners encore convaincus que la majorité noire va tuer la minorité blanche."
Rien n’indique aujourd’hui que le mobile du meurtre soit politique. Le dirigeant de l’AWB aurait été battu à mort par deux de ses ouvriers agricoles qui réclamaient des salaires impayés. "Nous sommes loin d’une quelconque expédition punitive avec des hommes cagoulés s’en prenant à un dirigeant politique, observe la journaliste. Les deux meurtriers présumés se sont d’ailleurs rendus à la police. Agés de 15 et de 21 ans, ils n’ont même pas connu le régime de l’apartheid..."
it"Coupe du monde joyeuse, Coupe du monde de la peur"
Reste que cet assassinat jette une nouvelle fois le trouble sur une nation qui depuis la chute du régime de l’apartheid en 1991 a fait de la réconciliation l’une de ses priorités. "A 70 jours de la Coupe du monde, les autorités sud-africaines craignent que ce genre d’affaire ne ternisse encore un peu plus l’image du pays, indique Caroline Dumay. L’insécurité reste un motif d’inquiétude pour les étrangers. Les organisateurs ont pour objectif de faire venir 450 000 supporters, mais il se peut qu’ils ne soient que 150 000 à faire le déplacement."
En attendant le coup d’envoi de l’épreuve, les organisateurs du Mondial se veulent rassurant. Le 5 mars à Zurich, le président de la Fifa, Joseph Blatter, avait renouvelé sa confiance aux autorités sud-africaines qui ont investi 1,3 milliard de rands (132 millions d’euros) pour la sécurité de la compétition. "Nous voulons une Coupe du monde joyeuse, pas une Coupe du monde de la peur", avait alors indiqué le patron du football mondial.