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La Cour suprême suspend l'exécution de Hank Skinner

Condamné à mort pour un triple meurtre commis en 1993, le Texan Hank Skinner a vu son exécution suspendue in extremis. À l'origine de ce revirement : les investigations d'un groupe d'apprentis journalistes qui ont jeté un doute sur sa culpabilité.

Condamné à mort au Texas, Henry "Hank" Skinner a vu son exécution suspendue par la Cour suprême des Etats-Unis… seulement 45 minutes avant l'heure prévue. Cet homme de 47 ans a été reconnu coupable, en 1995, des meurtres de sa compagne et des deux fils de celle-ci. Depuis, il n’a jamais cessé de clamer son innocence.

Comme bien d’autres avant elle, cette affaire a attiré l’attention de l’association Medill Innocence Project, de l’Université de Northwestern. Il y a dix ans, le professeur David Protess et huit de ses étudiants en journalisme avaient mené leur propre enquête à l’issue de laquelle ils ont conclu que de nombreux doutes planaient sur la culpabilité de Hank Skinner.

"C’est quelqu’un d’autre qui a commis le crime"

Cette association à but non lucratif, créée en 1999 par David Protess afin de lutter contre les erreurs judiciaires, s’est rendue célèbre pour avoir obtenu la libération de 11 détenus, dont cinq condamnés à mort. Ses résultats sont d’une telle efficacité, qu’en janvier 2000, lorsque le gouverneur de l’Illinois, George Ryan, impose un moratoire sur les exécutions, il rend hommage au travail de la Medill Innocence Project.

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En 1999, David Protess charge ses étudiants d’enquêter sur l’affaire Skinner. "D’après nos investigations, il existe de très sérieuses failles dans le dossier, affirme le professeur de journalisme à France24.com. Le principal témoin de l’accusation s’est rétracté et il existe de nombreuses preuves qui indique que quelqu’un d’autre a commis le crime." Durant son procès, en 1994, Hank Skinner avait plaidé non-coupable. Sa condamnation à l’injection létale repose en grand partie sur la base d’un seul témoignage, celui d’une voisine de l’accusé.

Un témoin fait état de pression

Or, l’équipe du professeur ont découvert que les déclarations de l’unique témoin étaient un tissu de mensonges. "Mes étudiants se sont rendus plusieurs fois sur la scène du crime", explique David Protess. Le principal témoin "a reconnu qu’il avait menti, et que Skinner ne l’avait jamais menacé, comme l’affirmait l’accusation. Il a même attesté que le procureur du procès l’avait forcé à mentir en le menaçant de le poursuivre pour complicité."

Selon l’accusation, Hank Skinner se trouvait dans le domicile de la victime au moment du triple meurtre. Sans jamais contester ce fait, ce dernier affirme qu’étant sous l’influence d'un cocktail d'anxiolytiques et d'alcool, il n’était pas en état de nuire. Une prise de sang avait confirmé son intoxication. Des traces d’ADN, qui auraient pu l’innocenter, ont été prélevées sur les lieux du drame. Mais elles n’ont jamais été utilisées dans le cadre de son procès. "Je ne vois aucune raison valable de refuser des tests ADN dans une affaire où il existe de solides preuves d'innocence, a déclaré à l'AFP Rob Owen, avocat de Hank Skinner. Si j'étais procureur, je ne mettrais pas quelqu'un à mort avant d'être absolument sûr, or les tests ADN nous permettraient de l’être."

Au Texas, l’affaire Skinner fait beaucoup de bruits. "L’argument du test ADN a le soutien de toute la presse de cet État", affirme le professeur Protess. Lundi, le Comité des grâces et des libérations conditionnelles du Texas a voté à l’unanimité contre le recours à des tests ADN. Sans en donner la raison.

Par l’intermédiaire de son ambassadeur à Washington, la France est intervenue, mercredi, auprès du Texas pour demander la grâce du condamné à mort, dont l'épouse est une militante anti-peine de mort de nationalité française.