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Des soupçons de protectionnisme planent sur l'affaire des avions ravitailleurs

Après le retrait forcé de la candidature d'EADS pour l'obtention d'un important contrat portant sur des avions militaires américains, les Européens ne décolèrent plus, qui y voient une manœuvre de Washington destinée à favoriser l'avionneur Boeing.

Le retrait forcé d'Airbus de l'appel d'offres, pour 35 milliards d'euros, d'avions militaires ravitailleurs américains au profit exclusif de Boeing, désormais seul en lice, fait naître des accusations de manœuvres de protectionnisme de la part de Washington.

Filiale d'EADS, le constructeur aéronautique européen a perdu, lundi, son allié crucial sur le sol américain pour répondre à ce contrat, Northrop Grumman, qui s'est finalement retiré à moins de 60 jours de l'échéance.

Le patron d'Airbus, Thomas Enders, a dénoncé, dans un entretien accordé mardi au quotidien économique Financial Times Deutschland, un appel d'offres "biaisé en faveur d'un avion plus petit et moins performant de la concurrence". De son côté, le ministre allemand de l'Économie, Rainer Brüderle, s'est indigné le même jour de "la pression politique" qui s'est transformée en "un appel d'offres sur mesure pour Boeing".

"Manquement grave"

"Les changements de critères sur l'appel d'offres entre 2008 et 2010 montrent, conjointement avec l'arrivée de la crise économique, que le climat à Washington a changé", explique à France24.com Nicola Clark, journaliste américaine, spécialiste aéronautique pour le New York Times et International Herald Tribune. "Il y a des craintes, pas vraiment justifiées, de voir un consortium européen faire disparaître des emplois américains."

Protectionnisme américain ? Lors d'un déplacement à Berlin, mercredi, le Premier ministre français, François Fillon, n'a pas mâché ses mots sur l'attitude des États-Unis, qu’il qualifie de "manquement grave aux règles qui sont celles d'une concurrence loyale entre nos économies".

"Il n'est pas inconvenant de parler d'un recentrage protectionniste, confie à France24.com Christian Harbulot, directeur de l'Ecole de guerre économique (EGE). Après le changement de conjoncture économique, on assiste à un recentrage de la politique américaine, qui va chercher à favoriser ses propres intérêts industriels."

Des discussions discrètes ?

Du côté d'EADS, le PDG Louis Gallois n'a pas caché son "énorme frustration", jeudi, au micro de RTL. "Ça nous aurait permis d'installer aux Etats-Unis une chaîne d'assemblage". Et, partant, de concurrencer directement Boeing sur son sol.

Ce contrat aéronautique militaire est "un enjeu qui peut avoir des répercussions financières et symboliques très fortes, analyse pour sa part Christian Harbulot. Il n'est pas impossible qu'il y ait eu une négociation de l'administration américaine avec Northrop, des discussions discrètes, surtout sur un secteur aussi stratégique", affirme-t-il. Une version que Nicola Clark ne prend pas au sérieux. "Northrop est très puissant à Washington, avec son propre lobby, explique-t-elle. Une telle manœuvre ne me paraît pas réaliste."

Le contrat avait été gagné par Boeing en 2003 avant d'être annulé pour irrégularités, puis remporté par Airbus et Northrop Grumman en 2008, avant d'être de nouveau résilié.

Ce troisième appel d'offres doit arriver à échéance le 10 mai. Airbus peut-il trouver, en moins de 60 jours, un nouveau partenaire américain ? De l'aveu même de Louis Gallois, cela paraît "très improbable".