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La livre s'effondre par crainte d'une crise politique à l'issue des législatives

Les prochaines législatives pourraient déboucher sur l'élection d'un Parlement sans majorité absolue, selon les analystes politiques londoniens. Une hypothèse qui effraie les investisseurs et provoque la chute de la monnaie britannique.

AFP - La livre sterling s'effondre depuis quelques jours, plombée par la crainte que les élections législatives britanniques ne débouchent sur un gouvernement sans majorité absolue au Parlement, et donc privé de marge de manoeuvre pour redresser rapidement les finances publiques.

Lundi, la devise britannique a chuté en-dessous de seuils psychologiques importants face aux autres grandes monnaies.

Elle est tombée sous celui de 1,10 euro pour la première fois depuis décembre, à 1,0929 euro, et a enfoncé le plancher de 1,50 dollar pour la première fois depuis dix mois, à 1,4784 dollar.

Cette chute de la livre s'est déroulée d'une manière spectaculaire: elle a perdu environ 7% de sa valeur face au dollar en un peu plus d'une semaine, une sévère dégringolade sur un marché habitué à des micro-variations.

Selon Chris Turner, stratégiste d'ING Commercial Banking, il y a un danger que cette chute ne fasse boule de neige, et n'entraîne la livre à des niveaux beaucoup plus inquiétants.

"Les politiciens britanniques se sont peut-être réjouis en cachette de la faiblesse récente de la livre (favorable aux exportations, ndlr), mais ils devraient beaucoup moins apprécier un effondrement aussi rapide, qui pourrait se transformer en une mentalité consistant à vendre systématiquement la livre", prévient-il.

La monnaie britannique n'est déjà plus très loin de son plancher historique face à l'euro, à 1,02 euro, touché fin 2008, et de ses plus bas depuis 2001 face au billet vert établis lors de la chute de Lehman Brothers en 2008 (à 1,35 dollar).

Cette dégringolade a été déclenchée d'après les analystes par le resserrement de l'écart des intentions de vote entre le gouvernement travailliste de Gordon Brown, et le parti d'opposition conservateur de David Cameron, en vue des élections législatives britanniques qui se tiendront probablement le 6 mai.

Les Tories, qui jouissaient d'une avance d'une dizaine de points sur le Labour il y a quelques semaines encore, ont vu celle-ci fondre comme neige au soleil, à deux points seulement selon un sondage YouGov paru dimanche dans le Sunday Times.

D'après les experts électoraux, un tel écart, s'il se confirmait dans les urnes, pourrait se traduire par un Parlement où aucun parti n'obtiendrait la majorité absolue, et dans lequel le Labour, qui pourrait remporter le plus grand nombre de sièges, serait forcé soit de former un gouvernement minoritaire, soit de constituer une coalition avec des partis régionalistes ou avec les libéraux-démocrates.

Une telle configuration effraie les investisseurs. Ils redoutent que les travaillistes ou les Tories se retrouvent dans quelques semaines à la tête d'un gouvernement minoritaire, et donc à la légitimité affaiblie, ou d'une coalition bancale, ce qui les empêcherait d'appliquer leurs engagements de juguler un déficit budgétaire galopant.

Or le temps presse aux yeux des marchés, qui s'inquiètent d'un déficit prévu à plus de 12% du PIB cette année, et d'une dette publique qui devrait grimper à moyen terme à plus de 80% du PIB, après une envolée sans précédent liée à la crise financière.

Certains analystes agitent depuis des mois le spectre d'une dégradation de la note de crédit du pays (pour l'instant fixée à AAA, le maximum possible), à l'instar du fonds obligataire américain Pimco, ce qui pourrait être le prélude à une "tragédie à la grecque".

"Les marchés ont besoin d'être convaincus que la dette britannique peut être réduite, (...) mais ils semblent à court de patience et la livre sterling pourrait se retrouver au bord du gouffre", prévient ainsi Mark O'Sullivan, de Currencies Direct.