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Renouveler ses papiers d'identité n'est pas toujours une sinécure. En plein débat sur l'identité nationale, les témoignages sur ces galères se multiplient. Racontez-nous votre expérience en nous écrivant à webdesk@france24.com.
C’est désormais officiellement acté. Dans son rapport annuel, publié mardi 23 février, le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, a listé, parmi les nouveaux sujets de "ressentiment" des administrés, les difficultés rencontrées lors du renouvellement de papiers d’identité. La "prudence exagérée de l'administration dans la délivrance de documents administratifs tend à se généraliser, comme en témoignent les courriers [...] de Français nés à l'étranger ou dont l'un des parents est né à l'étranger", écrit-il. Lors de la séance des questions au gouvernement du 10 février, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a de son côté affirmé avoir adressé aux préfets, le 2 décembre, "des instructions écrites pour que les règles soient assouplies".
FRANCE 24 publie les témoignages souvent ubuesques de Français ayant rencontré des problèmes lors de leur renouvellement de papiers. Des journalistes de la rédaction relatent aussi leur expérience malheureuse. Vous pouvez nous faire parvenir votre témoignage à webdesk@france24.com.
"Les politiques qui font mine de découvrir ces tracasseries en sont à l'origine"
Lorsqu'il a fallu passer de la carte d'identité papier à la carte plastifiée, il m'a été dit que, par sécurité, je devais justifier ma nationalité française mais que, la prochaine fois, je n'aurai plus à le faire puisque les nouvelles cartes étaient infalsifiables. Je suis né en France de parents qui, à l'époque, étaient étrangers. J'habite dans l'Hexagone depuis ma naissance, il y a 67 ans... J'y ai fait mes études, mon service militaire avec le grade de sous-officier et ai été élu au conseil municipal de ma commune.
Lors du renouvellement de ma carte plastifiée, on m'a demandé de nouveau la justification de ma nationalité française. J'ai refusé et fait un scandale en mairie. L'employée m'a montré un document émanant de la préfecture qui, en effet, demandait ces précisions. Devant mon insistance, la mairie a adressé le dossier en l'état et le renouvellement s'est fait sans autre formalité.
La leçon de cette histoire, c'est que les politiques qui font mine de découvrir le problème sont à l'origine de ces tracasseries. En ajoutant quelques fonctionnaires zélés qui méconnaissent ou refusent d'appliquer le code de la nationalité, on en arrive à ce résultat. La carte d'identité ne justifie pas de la nationalité française, nous dit-on. Mais, pour la posséder, il faut prouver que l'on est français, et on ne la donne qu'à ceux qui peuvent le faire. L'argument est sans fondement.
Si nous n'étions pas en période électorale et si la presse n'avait pas relaté les difficultés de quelques personnalités, on en serait toujours au même point.
René Martayan (internaute)
Né Français à l’étranger, je n’ai plus de carte d’identité française depuis trois ans : au moment d’entreprendre les démarches, on m’a signalé qu’il faudrait que je prenne rendez-vous pour passer devant le tribunal de première instance de Colombes, car il faut prouver ma nationalité. "Mais alors comment se fait-il que j’ai un passeport français ?", ai-je demandé interloqué. "Un passeport n’est pas une preuve de nationalité" m’a répondu - navré - l’agent du bureau d’état civil de ma mairie. J’avoue que je ne me porte pas plus mal sans carte d’identité mais je demeure encore aujourd’hui chiffonné par cette remise en cause de ma citoyenneté.
François Picard (France 24)
"Je me voyais de plus en plus réduit à l’état d’apatride"
Tout a commencé par une simple fiche d’état civil. Le papier bête et pas méchant, sur lequel pourtant un employé de la mairie a apposé le tampon "étranger". Pourquoi ? Parce qu’en 1995, je n’avais qu’un passeport français, et pas de carte d’identité. Situation ubuesque à laquelle je pensais mettre fin en me faisant faire cette fichue carte d’identité. Erreur et début de plusieurs mois d’aller-retour entre la mairie et la préfecture pour tenter de décrocher le gros lot : le certificat de nationalité. D’employés en fonctionnaires, je me rendais compte que mon arbre généalogique donnait la migraine à mes interlocuteurs… Né en Allemagne d’une mère née en Tunisie et d’un père né en Tchécoslovaquie (tous deux de nationalité française), je vis en France depuis l’âge de mes 4 ans.
Au fur et à mesure que mon dossier s’enrichissait de papiers divers et variés (jusqu’à l’acte de naissance de mon arrière grand-mère, née en Hongrie), je me voyais de plus en plus réduit à l’état d’apatride. Pourtant, après 5 mois de démarches, un fonctionnaire, après avoir rapidement épluché mon dossier, m’a établi une carte d’identité. En dix minutes top chrono, alors que je ne sais toujours pas aujourd’hui si j’avais bien tous les documents ou si j’ai bénéficié d’une négligence heureuse.
Sebastian Seibt (France 24)
"Il s’agit d’établir ma carte d’identité et non de celle de mes parents"
J’ai dû, il y a quelques mois, renouveler ma carte d’identité suite à un changement d’adresse. En retirant un dossier à la mairie du XVe arrondissement de Paris, on m’explique que, vu que mes parents "ne sont pas Français", ils ont été naturalisés français, je dois fournir la preuve de ma nationalité française. Mais problème : la "carte d’identité française n’est pas une preuve de nationalité", m’affirme-t-on. On m’explique que je dois apporter une photocopie et l’original de la déclaration ou le certificat de nationalité, un document qui a été envoyé à mes parents lorsque j’étais encore bébé, quand j’ai obtenu la nationalité par le droit du sol. Je reviens avec ces documents et là j’apprends que mon dossier n’est toujours pas complet. On me demande la carte d’identité de mes parents !
Je reviens avec les photocopies des cartes de mes parents. L’employée me demande, étonnée, pourquoi je n’ai pas apporté également la déclaration de nationalité de mes parents en plus de leurs pièces d’identité. Je lui rappelle qu’il s’agit d’établir ma carte d’identité et non de celle de mes parents. Elle a fini par accepter mon dossier, près de trois semaines après le jour où je l’avais présenté la première fois.
Amara Makhoul (France 24)