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Taxe Zucman (3/3) : la bataille culturelle sur la justice fiscale en passe d’être gagnée ?
Troisième et dernier volet de notre série sur la taxe Zucman, qui vise à instaurer un impôt à hauteur de 2 % pour les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros. Alors qu’en France elle suscite de vifs débats, France 24 conclut l’examen de cette proposition, portée par la gauche, en soulignant que celle-ci a peut-être permis de remporter une victoire idéologique.
La taxe Zucman vise à taxer à hauteur de 2 % par an les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros. Elle concernerait 1 800 foyers et permettrait de récupérer 20 milliards d'euros, selon son auteur. © Studio graphique FMM

La taxe Zucman est-elle en train de s’installer pour de bon dans les esprits et de gagner la bataille culturelle ? L’économiste Gabriel Zucman est omniprésent dans les médias depuis un mois. Si bien qu’il est désormais difficile de ne pas être familier avec sa proposition de taxe sur les plus hauts patrimoines. Les tribunes dans la presse, qu’elles lui soient favorables ou non, se succèdent. Impossible de ne pas avoir un avis sur la question.

Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, qui s'y est opposé, vendredi 26 septembre dans Le Parisien, en sait quelque chose. Le Parti socialiste (PS) a fait de la taxe Zucman l’une de ses conditions pour ne pas censurer son futur gouvernement. Alors que la question de la dette, qui a atteint au deuxième trimestre 3 416,3 milliards d’euros selon des chiffres publiés le 25 septembre par l’Insee, est plus que jamais présente dans le débat politique, la contribution des ultra-riches à l’effort collectif est devenue un enjeu majeur.

Lorsqu’il est élu en 2017, Emmanuel Macron supprime l’impôt sur la fortune (ISF) pour le remplacer par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) et baisse l’imposition sur les dividendes en mettant en place la flat tax à 30 %. Une politique devant permettre aux millionnaires et milliardaires d’investir leur argent dans l’économie du pays et ainsi contribuer à la croissance. C’est ce qu’on appelle la théorie du ruissellement.

Signe d’une bascule en cours dans les esprits, la macronie commence à accepter l’idée de revenir sur la baisse des impôts des plus aisés – un sujet tabou jusqu’ici. Il y a d’abord eu le revirement de l’économiste Jean Pisani-Ferry. L’homme qui a élaboré le programme d’Emmanuel Macron en 2017 avait déjà évoqué dans un rapport en 2023 une contribution des plus aisés pour financer la transition écologique. Il soutient désormais la taxe Zucman et a notamment cosigné, avec Gabriel Zucman et l’économiste Olivier Blanchard, une tribune publiée en juin dans Le Monde affirmant que cet impôt serait "le plus efficace face à l’inégalité fiscale".

Les Français largement favorables à la taxe Zucman

Parmi les élus, on ne prône pas la taxe Zucman mais l’idée de faire payer les ultra-riches fait son chemin. Il y a ceux qui estiment qu’il faudra accorder ce point à la gauche pour éviter la censure. "On a bien compris que si on veut faire passer un budget, il faut offrir une victoire symbolique à la gauche sur l’imposition des plus fortunés. On est radicalement contre et c’est une sombre connerie, mais il va bien falloir lâcher", reconnaissait le 8 septembre le député Renaissance Sylvain Maillard dans Le Figaro.

LIEN TAXE ZUCMAN 2/3

Et il y a ceux qui adhèrent désormais au concept de justice fiscale. "Ce budget doit être un budget de l'effort de tous. Pour l'être, il faut aussi que les grandes fortunes soient mises à contribution", a ainsi jugé la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, dans un entretien publié le 20 septembre dans Le Parisien.

Sans doute ont-ils été interpellés par un sondage Ifop selon lequel 86 % des Français soutiennent la taxe Zucman. Les chiffres ont de quoi surprendre et interroger les élus du centre et de la droite, car même leurs électeurs sont largement en faveur de cette taxe sur les ultra-riches : 92 % des sympathisants Renaissance et 89 % des partisans des Républicains approuvent l’idée, selon ce sondage publié le 16 septembre dans Le Parisien.

La justice fiscale prend le pas sur la dette

"Ce sondage est le reflet d’un sentiment majeur chez les Français, à savoir que les efforts par rapport à la dette doivent être mieux répartis. Les Français de gauche comme de droite – il n’y a quasiment aucune différence – se jettent sur cette taxe de 2 %. C’est une manière de dire qu’il faut un premier pas vers une meilleure répartition des efforts vers de la justice sociale", analyse Frédéric Dabi, le directeur général opinion de l’Ifop, sur Public-Sénat.

Taxe Zucman (3/3) : la bataille culturelle sur la justice fiscale en passe d’être gagnée ?
© Studio graphique FMM

Dans un contexte où le projet de budget 2026 présenté par l’ancien Premier ministre François Bayrou proposait, pour réduire la dette, de concentrer les efforts sur les classes moyennes et populaires – année blanche, suppression de deux jours fériés, doublement de la franchise médicale, etc. – la taxe Zucman s’est imposée pour les Français comme le symbole de la nécessité de mieux répartir les efforts en faisant payer les ultra-riches. Et progressivement, le sujet de la dette a été remplacé dans le débat médiatique par celui de la justice fiscale.

De quoi ravir l’ensemble des partis de gauche et les syndicats, qui mettent la pression sur Sébastien Lecornu pour acter une vraie rupture. Après une journée d’action réussie le 18 septembre, l’intersyndicale – CGT, FO, CFDT, Unsa, FSU, Solidaires, CFE-CGC, FA-FP – a appelé à une nouvelle journée de mobilisation le 2 octobre.

Tout le monde ne semble toutefois pas prêt à plaider dans le sens de la justice fiscale. Le Medef prévoit d’organiser le 13 octobre un grand meeting contre "la dangerosité de ce débat fiscalo-fiscal". L’occasion, selon son président Patrick Martin, de "rééquilibrer un débat qui a été préempté par certains, et qui sature en définitive les ondes, sur les super-riches".