Le collectif pour le droit au logement Jeudi Noir fait de son prestigieux squat, "la Marquise", un lieu de contestation politique. A la veille des élections régionales, personne n'ose mettre a exécution l'avis d'expulsion émit par la justice.
Le collectif pour le droit au logement Jeudi Noir fait de son prestigieux squat de la place des Vosges un "Ministère de la décolonisation et de l’égalité des droits" voué à accueillir les activités d’autres associations militantes. Plus de deux semaines après le verdict du tribunal d'instance du Ve arrondissement de Paris qui a ordonné leur expulsion, les squatters montrent ainsi qu’ils n’ont toujours pas l’intention de déguerpir. Pas plus que de payer à la propriétaire des lieux les 25 000 euros par mois exigés par la justice en guise d’indemnités.
Mardi matin, dans la grisaille parisienne, un groupe d’une vingtaine de personnes hilares est posté devant la lourde porte en bois de l’hôtel particulier squatté, place des Vosges. La raison de ce rassemblement est dissimulée derrière un carré de toile blanche sur la façade. L’un des participants dévoile bientôt une plaque de marbre sur laquelle est gravée l’inscription "Ministère de la décolonisation et de l’égalité des droits".
"Un outil de communication politique efficace"
L’initiative vient d’une nébuleuse d’associations réunies depuis cinq ans autour de la " semaine anticoloniale" qui, cette année, se tiendra du 19 au 28 février, clôturée par une manifestation appelant à la suppression du bien réel Ministère de l’immigration et de l’Identité nationale.
La cérémonie pastiche serait sans doute passée inaperçue si l’immeuble datant du XVIIe siècle - une ancienne demeure de la marquise de Sévigné, classé monument historique - n’avait pas déjà fait parler de lui après trois mois d’occupation par une trentaine de squatters du collectif Jeudi Noir, chouchou des médias.
it"C’est un peu une politesse que nous faisons aux organisateurs de la semaine, un coup de pouce médiatique, nous les accueillons parce que ce sont des amis et que nous avons beaucoup d’affinités militantes, surtout autour de ce sujet de l’identité nationale", explique Yannick Comenge, membre de Jeudi Noir. On peut y voir aussi une manière pour le collectif parisien de maintenir la visibilité de leur bâtiment occupé.
Depuis 2007, Jeudi Noir, qui réclame l'encadrement des loyers et une politique massive de construction de logements sociaux, a fait de la réquisition d’immeubles vacants un outil de communication politique efficace. Leur premier "coup" a été d'investir un immeuble avec vue sur la Bourse de Paris, le 24 rue de la Banque, vite rebaptisé "Ministère de la Crise du logement".
Des Verts à l'UMP
A l’approche des élections régionales, leur dernière prise, "la Marquise" pour les intimes, a déjà été visitée par des personnalités politiques de tous bords. Cécile Duflot (Les Verts), Jean-Paul Huchon (PS), et Anne Hidalgo (PS) leur ont apporté leur soutien.
Soucieux de "placer ses pions" - l’expression est celle d’un membre du collectif - au sein de tous les partis politiques, Jeudi Noir a fait appel au député UMP Etienne Pinte, membre du comité de suivi du droit au logement opposable (DALO), pour intervenir en tant que médiateur dans l’affaire de "la Marquise".
Julien Bayou, porte parole de Jeudi Noir, est lui-même candidat sur la liste Europe Ecologie du Val-d’Oise. Mais pour lui "arriver à faire venir des soutiens de tous bords dans ce bâtiment symbole pour parler de la crise du logement, c’est génial. Et avoir le soutien de la gauche, c’est bien. Mais aller jusqu’à un membre de l’UMP, c’est encore mieux".
Malgré la décision de justice qui pèse sur eux, les membres du collectif de squatters ne sont pas vraiment inquiets quant à une éventuelle expulsion de ce bâtiment inoccupé depuis 44 ans. "Je ne crois pas que Nicolas Sarkozy voudrait d’une expulsion médiatique juste avant les régionales", avance un autre membre, Laurent Dubouchet. Si les occupants de "la Marquise" se retrouvent à la rue, leur vacarme sera mené au nom des 100 000 foyers en France expulsables à la fin de la trêve hivernale.