À Taïwan, on le surnomme "le chewing-gum taïwanais". Le bétel, noix autant détestée qu'appréciée, occupe une place à part dans la culture de l’île. Ce stimulant est consommé par des centaines de milliers de personnes, surtout issues des milieux ouvriers, et en fait vivre autant d’autres. Mais peu savent que cette noix est cancérigène et atteint les voies orales. Chaque année, des milliers de personnes décèdent des suite de sa consommation. Reportage à Taïwan de Lucie Barbazanges.
Si la consommation du bétel – ou noix d’arec – est une tradition pour les peuples autochtones de Taïwan, c'est aussi une habitude pour de nombreux employés, comme les ouvriers ou les conducteurs, qui le mâchent, mêlé à de la chaux, pour rester en forme durant leurs longues heures de travail. Dans les régions les plus pauvres de l'île, jusqu'à 17 % de la population en consomme.
Cette noix dangereuse fait aussi vivre des Taïwanaises issues de milieux défavorisés : les "Betel nut beauties" (belles de bétel). En bord de routes, sous des néons colorés des vitrines de magasin, les jeunes femmes en sous-vêtements et jarretelles vendent ce poison prêt à être consommé, au grand dam de la frange conservatrice taïwanaise, qui n’apprécie par ces tenues provoquantes.
Au total, des centaines de milliers de personnes vivent de la noix de bétel à Taïwan et chaque année, 95 000 tonnes en sont produites sur l’île. Le bétel est même le deuxième produit agricole, après le riz.
Mais pour les associations, le gouvernement ne peut plus fermer les yeux sur l'enjeu de santé publique : depuis vingt ans, il a été démontré que la consommation de bétel engendre des cancers des voies orales. Ceux qui mâchent de la noix de bétel, fument et boivent, ont 123 fois plus de chances de développer un cancer que les autres.
Diverses mesures de prévention ont bien permis de réduire la consommation de ce stimulant et d'en freiner la culture sur l’île. Mais dans le sud de Taïwan, la région de Pingtung détient encore le record de mortalité mondiale liée aux cancers buccaux.
Remerciements : Podcast "Taiwan No Why", Sunshine Foundation