Violences contre les journalistes, concentration des médias, alignement politique, journalistes étrangers expulsés… C'est peu dire que la liberté de la presse est en crise dans "la plus grande démocratie du monde". Depuis 2014, l'Inde est gouvernée par l'extrême droite hindoue. Mais le Premier ministre, Narendra Modi, n'a pas eu beaucoup à faire pour mettre au pas les chaînes d'information en continu du pays. Une partie des journalistes sont devenus des porte-paroles du parti au pouvoir, embrassant son idéologie nationaliste et religieuse.
En Inde, plus de 400 chaînes en continu se disputent un marché de l'information hors norme. Leur nombre et leur diversité pourraient être synonyme de liberté, de pluralité, et d'impartialité. Pourtant, jamais l'information n'a été autant menacée. Dans la "plus grande démocratie du monde", une partie des médias a opté pour un soutien total et inconditionnel au Bharatiya Janata Party (BJP) – le parti d'extrême droite nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi.
Des rédactions et des présentateurs sont, depuis dix ans, devenus des "fossoyeurs de la démocratie", selon les termes de Ravish Kumar. Cet ancien grand reporter a quitté la chaîne de télévision NDTV, autrefois respectée pour son indépendance et désormais aux mains d'un homme d'affaires indien, le "Bolloré indien", Gautam Adani, réputé proche du Premier ministre.
Car depuis 2014 et l'arrivée de Narendra Modi à la tête de l'Inde, les grands groupes médiatiques ont fait allégeance aux nationalistes hindous, au point d'attaquer en permanence l'opposition, de ne pas parler des sujets qui fâchent et surtout de déverser un torrent de fausses informations et de théories du complot islamophobes. Point pour point, l'agenda des extrémistes hindous au pouvoir.
Débats télévisés outranciers et YouTube en guise de refuge
Un homme a incarné ce basculement : Arnab Goswami. Ce présentateur a créé sa propre chaîne de télévision et s'est spécialisé dans les débats outranciers, diffamatoires où il hurle sur les invités qui ne sont pas en accord avec lui. Umar Khalid, un jeune étudiant musulman, en a fait les frais. Depuis 2020, Umar dort en prison, accusé sans preuve d'avoir fomenté des émeutes religieuses. Depuis des années, il était vilipendé par Arnab Goswami. Sa compagne, Banojyotsna Lahiri, nous raconte comment, un soir de 2016, Umar est tombé dans un piège lors d'un débat télévisé organisé par ce présentateur.
Comment bien informer alors que ces chaînes de télévision, devenues des organes de propagande, trustent l'espace médiatique ? Internet, et notamment YouTube, est devenu un refuge pour les journalistes indépendants comme Ravish Kumar ou l'équipe de Newslaundry. Unique en Inde, cette rédaction – qui ne vit que grâce aux dons de ses lecteurs – s'est spécialisée dans la critique des médias et la traque des fausses informations. Manisha Pande en est la directrice éditoriale et présente chaque semaine une émission qui se moque ouvertement des "stars" de la télévision indienne, qui ont abandonné toute déontologie.