Les avocats de l'ex-dictateur Moussa Dadis Camara, condamné mercredi à 20 ans de prison pour crimes contre l'humanité pour sa responsabilité dans le massacre du 28 septembre 2009 en Guinée, ont annoncé jeudi 1er août faire appel.
"Le collectif rejette en bloc cette décision et, pour marquer son désaccord, entend, en accord avec le président Moussa Dadis Camara, relever appel de ce jugement inique pour qu’il soit censuré par la juridiction d’appel", a déclaré dans un communiqué le collectif de ses avocats.
"Pendant près de deux années de procès devant ce tribunal, le président Moussa Dadis Camara n’a jamais été entendu ou mis en demeure de s’expliquer sur les éléments constitutifs du crime contre l’humanité", a-t-il ajouté, en menaçant de saisir la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Mercredi, à l'annonce du verdict d'un procès historique à Conakry, les faits ont été requalifiés en crimes contre l'humanité par le tribunal. Moussa Dadis Camara a été déclaré coupable "sur la base de la responsabilité du supérieur hiérarchique", a déclaré Ibrahima Sory II Tounkara, le président du tribunal. Il a aussi été reconnu coupable pour "son intention de réprimer la manifestation" et pour avoir manqué à son devoir de sanctions contre les auteurs du massacre.
L'ex-dictateur répondait d'une litanie de crimes d'assassinats, violences sexuelles, actes de torture, enlèvements et séquestrations. Il encourait la perpétuité.
La défense d'Aboubacar Sidiki Diakité, alias "Toumba", ancien chef de l'unité de protection de Dadis Camara condamné à 10 ans de prison, prévoit aussi de "relever appel", a affirmé son avocat Lanciné Sylla dans un communiqué jeudi.
Exactions
Le 28 septembre 2009, au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines d'autres blessées, dans la répression d'un rassemblement de l'opposition dans un stade de Conakry et ses environs, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.
Les exactions, dont les chiffres réels sont probablement plus élevés, ont continué plusieurs jours contre des femmes séquestrées et des détenus torturés dans ce qui est considéré comme l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire contemporaine de la Guinée.
Outre Dadis Camara, sept autres accusés ont été condamnés mercredi à des peines s'élevant jusqu'à la prison à perpétuité.
La présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA) a souligné que ce verdict marquait "l'aboutissement d'un combat de 15 ans, celui de la recherche de la vérité et la justice pour les victimes". "Nous continuerons à œuvrer pour que chaque victime obtienne réparation et pour que de tels événements ne se reproduisent plus jamais en Guinée", a-t-elle ajouté.
Satisfecit des défenseurs des droits humains
Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a salué le verdict. Il "marque un tournant dans l’établissement de la vérité sur les événements du 28 septembre 2009 et dans la reddition des comptes par ceux qui portent la plus grande responsabilité dans les atrocités qui ont été commises", a-t-il dit dans un communiqué. "Les juges guinéens ont envoyé un signal clair selon lequel personne n'est au-dessus des lois".
L'ONU a appelé jeudi à poursuivre la lutte contre l'impunité en Guinée, dans un communiqué du Haut-Commissaire aux droits de l'homme Volker Türk qui souligne l'importance de continuer à œuvrer pour "établir l'intégralité des faits et des responsabilités liés à ces événements".
Volker Türk considère en outre "crucial" pour le gouvernement guinéen de déterminer le sort de toutes les personnes disparues et de s'assurer que les responsables de disparitions forcées et de violations liées rendent compte de leurs actes, dans ce communiqué.
Seulement 57 corps sur au moins 156 tués le 28 septembre 2009 ont été retrouvés, selon les familles et les organisations des droits de l'Homme. Les organisations des droits humains se sont aussi félicitées du verdict.
De rares voix l'ont en revanche critiqué. Le chanteur Élie Kamano, a ainsi accusé la junte au pouvoir depuis 2021 de vouloir faire de Dadis Camara "un fonds de commerce" pour une condamnation "à des fins politiques".
Avec AFP