Les images de l’attaque qui a touché Majdal Shams, le 27 juillet, montrent plusieurs enfants tués. Les membres de certains d’entre eux ont été arrachés par la violence de l’explosion. Selon des vidéos publiées sur Telegram et par le “Magen David Adom”, l’organisation de secours israélienne reconnue par la Croix Rouge, le bombardement a eu lieu sur le terrain de football du village, lors d’un match.
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Accepter Gérer mes choixLe bilan final de l’attaque serait de 12 morts, principalement des jeunes de Majdal Shams. Ce village de 11 000 habitants est peuplé en majorité de druzes, une minorité religieuse en Israël. Il est situé sur le plateau du Golan, un territoire syrien occupé par Israël à la suite de la guerre des 6 jours en 1967, puis annexé en 1981. La communauté internationale ne reconnaît pas cette annexion, et considère le Golan comme un territoire syrien.
Une roquette “Falaq-1” tirée par le Hezbollah depuis le Liban, selon Israël
Les autorités israéliennes ont désigné comme responsable de cette attaque le Hezbollah libanais, un mouvement politique et militaire chiite qui affronte régulièrement l'armée israélienne par bombardements interposés. Ces affrontements, touchant le sud du Liban et le nord d’Israël, se sont intensifiés depuis l’attaque du 7 octobre 2023 lancée par le Hamas et l’invasion israélienne de la bande de Gaza.
L’armée israélienne assure que le Hezbollah a tiré une roquette “Falaq-1”, depuis le Liban. Elle a notamment publié un rapport comparant les débris de munition retrouvés selon elle sur le lieu de l’attaque à une image de la roquette de fabrication iranienne : les débris porteraient des inscriptions compatibles avec ce qui est inscrit sur le modèle de “Falaq-1” mis en comparaison.
Il est impossible de confirmer de manière indépendante que ces débris ont bien été retrouvés sur le lieu du bombardement. Toutefois, une image publiée par le Magen David Adom, moins d’une heure après l’attaque, laisse voir ce qui semble être des débris de munition au milieu d’un cratère.
“Je vous confirme qu'il s'agit de fragments d’enveloppe de munitions, que l’on appelle déchets de tirs”, explique Hadj Boudani, un ancien chef de groupe d’intervention au sein de la section EOD (un sigle désignant la neutralisation d'engins explosifs) de l’armée française, expert dans l’intervention et la manipulation des munitions et explosifs, qui a pu consulter cette image.
Normalement, on ne retrouve pas autant de fragments dans le cratère. Je pense que les gens ont dû ratisser la zone et les rassembler à cet endroit. C’est dommage car, avec la distance de dispersion de ces débris, on peut réunir beaucoup d’informations sur la munition et la direction dont elle provient. En tout cas, ça ressemble fortement à ce qu’on peut voir dans le rapport de l’armée israélienne, il y a disons 85 % de chances que ce soient les mêmes.
Où a eu lieu l’explosion ?
Selon les images disponibles sur les réseaux sociaux qui montrent les dégâts provoqués par l’explosion, la munition a atterri dans l’un des coins du terrain de football de Majdal Shams.
Nous avons pu confirmer l’endroit où la munition avait explosé en examinant également deux vidéos, tournées quelques secondes avant et après. La première a été enregistrée par une femme depuis la fenêtre de sa maison, en haut d’une colline située à 400 mètres environ au nord-ouest du terrain de football.
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Accepter Gérer mes choixLa seconde vidéo a été prise par un homme, également au sommet d’une colline mais du côté opposé du village. Situé à 600 mètres au nord-est du lieu de l’attaque, il suit le bruit de la roquette, qui semble provenir de l’ouest. Il court ensuite sur une terrasse pour assister à l’explosion.
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Accepter Gérer mes choixQuelle est la trajectoire de la munition qui a frappé Majdal Shams ?
Sur la base d’images amateur, la rédaction des Observateurs a également pu déterminer la trajectoire approximative que suivait la munition au moment de son explosion : celle-ci aurait été tirée depuis le nord-ouest de Majdal Shams.
Pour cela, nous avons comparé le cratère causé par l’explosion, qui indique la direction approximative du projectile au moment de toucher le sol, avec les murets au bord du terrain. La trajectoire de la munition semble marquer un angle de 80 à 110 degrés avec le muret.
Nous avons partagé nos conclusions avec plusieurs experts en explosifs, dont Hadj Boudani. Ce dernier estime qu’il s’agit de “la bonne direction”, avec une marge d’erreur possible en raison du faible nombre de clichés du cratère disponibles.
D’où la munition aurait-elle été tirée ?
Selon la documentation disponible sur la roquette “Falaq-1”, qui aurait causé l'explosion selon les autorités israéliennes, cette munition a une portée d’à peu près 10 kilomètres. Cette munition aurait donc été tirée depuis la zone représentée en rouge sur la carte ci-dessous.
En suivant la trajectoire possible du missile, en fonction des angles que nous avons établis, on trouve à 10 kilomètres l'hôpital Khalifa Bin Zaied, qui se trouve à l’endroit d’où la roquette aurait été tirée, selon les documents publiés par Israël, qui ne mentionne toutefois jamais explicitement l’hôpital.
Cependant, rien ne permet d'affirmer que la roquette a été tirée depuis cet hôpital : elle peut en effet avoir été tirée depuis n’importe quel point de la trajectoire situé dans un rayon maximum de 10 kilomètres.
Le Hezbollah nie toute responsabilité
Le Hezbollah à nié catégoriquement être responsable de ce bombardement dans un communiqué publié sur Telegram le 27 juillet au soir.
Dans un autre communiqué publié quelques minutes après l’explosion, le mouvement avait pourtant reconnu avoir utilisé une roquette “Falaq-1” contre “le quartier général de la brigade Hermon dans la caserne de Maaleh Golani”, située à plus de 4 kilomètres au nord-est du terrain de football frappé.
Le Hezbollah a donc bien utilisé une roquette “Falaq-1” le 27 juillet, à un horaire proche de l’explosion de Majdal Shams, vers une cible située à proximité du village. Cela pourrait indiquer que la trajectoire de la roquette a été déviée, ou que la cible annoncée par le Hezbollah est inexacte.
Interrogé sur la précision de la roquette “Falaq-1”, Trevor Ball, un ancien technicien de l’armée américaine chargé de la neutralisation des explosifs et des munitions, indique :
Les “Falaq-1” sont des munitions très basiques, qui ne sont pas très précises. Comme d’autres roquettes similaires, elles sont souvent lancées depuis des rails improvisés, ce qui peut encore réduire leur précision.
Ces roquettes ne bénéficient par ailleurs pas d’un système de guidage à distance, comme la plupart des missiles. Ce système permet au projectile davantage de précision dans sa trajectoire.
Bien que le Hezbollah ne donne pas de version alternative à la thèse israélienne, plusieurs utilisateurs des réseaux sociaux proches du mouvement armé ont affirmé que la frappe meurtrière avait été causée par un missile du “dôme de fer” , le système de défense antimissile israélien. Cette version a également été reprise dans certains médias arabophones, comme la chaîne qatari al-Araby.
“Je ne crois pas à la thèse d’un missile antiaérien israélien”
Mais cette thèse ne tient pas la route, selon Hadj Boudani, pour qui les différents éléments visibles sur les images de l’attaque sont davantage compatibles avec l’explosion d’une roquette “Falaq-1” tirée par le Hezbollah.
Je ne crois pas à la thèse d’un missile antiaérien israélien. Sur l’une des vidéos, prise de loin et qui montre l’explosion, on peut voir l’effet de déflagration suivi de la détonation brutale après impact. On est sur une munition qui doit porter facilement 40 kg d’explosifs [la roquette “Falaq-1” a une charge utile d’explosifs de 50 kg, NDLR]. Rien à voir en comparaison avec un missile israélien de type Tamir [le type de missiles utilisé par le “dôme de fer” israélien, NDLR].
Si les différents éléments de notre enquête vont donc dans le sens de l’hypothèse d’une roquette tirée par le Hezbollah, Hadj Boudani estime toutefois “qu’il est indispensable qu’un spécialiste se rende sur place pour étudier le lieu d’impact et l’environnement”.