![Sauver les patients de l'amputation, le défi quotidien des médecins-secouristes Sauver les patients de l'amputation, le défi quotidien des médecins-secouristes](/data/posts/2022/07/15/1657875678_Sauver-les-patients-de-l-amputation-le-defi-quotidien-des-medecins-secouristes.jpg)
, envoyée spéciale à Port-au-Prince – Pris d’assaut après le séisme, les hôpitaux d'Haïti sont désormais plus calmes. Les médecins se consacrent dorénavant au suivi de leurs patients atteints pour la plupart aux bras et aux jambes. Reportage au sein d’un petit hôpital de Port-au-Prince.
Le syndrome des loges. Les médecins-secouristes présents en Haïti le rencontrent 100 fois par jour et le redoutent. "Quand un membre est coincé sous un bloc de béton pendant plusieurs heures, une pression se crée, les muscles se tendent et se nécrosent", explique Remy Bordonado, charlotte sur la tête.
Ce infirmier-pompier venu des Vosges, dans l'est de la France, travaille sans relâche depuis près de deux semaines dans un hôpital de l’est de Port-au-Prince. "Pour réduire la pression, nous incisons le membre, et nous voyons ce que ça donne". Si ça se passe mal, les chirurgiens n’ont pas d’autre choix que d’amputer.
Mais pour Darline, étudiante haïtienne de 20 ans coincée deux jours sous les décombres de son université, cela se présente plutôt bien. Les médecins pourront sauver sa jambe.
Au chevet des blessés
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© {{ scope.credits }} Les médecins soulèvent doucement la jambe meurtrie, enlèvent les pansements. De chaque côté du tibia, deux grandes plaies béantes. Les blessures sont nettoyées à la Bétadine, suturées, un nouveau pansement est posé. Un travail qu'ils renouvelleront tous les jours jusqu’à ce que la plaie se referme.
La jeune femme pourra remarcher dans quelques mois. Mais le médecin anesthésiste sort de la salle d’opération en secouant la tête, l’air grave. "Elle a un taux d’hémoglobine très bas : 4,1 g pour 100 ml de sang. Normalement en dessous de 7, on transfuse. Je suis inquiet, à chaque fois qu’on pose un pansement, elle perd du sang", soupire-t-il. Pas de don de sang dans l’hôpital, aucune transfusion n’est envisageable.
L’anesthésiste suggère l'idée d'en importer de Martinique par avion. Une proposition balayée d’un revers de main par un chirurgien. "Le sang, une fois qu’il sera resté trois heures sur le tarmac en plein soleil, on n’en fera rien !" Son collègue se lève, ravale sa rage et son impuissance. "On perd des gens à cause de ça. On pourrait la perdre elle aussi", murmure-t-il, regardant Darline, allongée sur un brancard.
L’étudiante va rester quelques minutes allongée dans le couloir, puis rejoindra le camp de l’hôpital où l’attend son ami.
"Pauvre parmi les pauvres"
La journée est calme. Beaucoup plus que les semaines précédentes. "Ce n’est plus la grosse activité que nous avons connue au début, confirme Pierre Jacquot, médecin-pompier en charge de la coordination dans l’hôpital. Mais plein de gens devraient revenir pour un suivi et nous ne les voyons pas arriver."
Le médecin fait partie de l’équipe de 30 pompiers envoyés par la France après l’annonce de la catastrophe. "Je suis fatigué mais je n’en ai pas marre. J’ai envie de travailler ! Quand on a vu ce que j’ai vu, on n’a pas envie de s’arrêter", raconte l’homme, les yeux scrutant un pick-up qui s’approche lentement de l’entrée. A son bord, un homme dont la cheville est cassée.
"Nous avons tous été impressionnés par la dignité des Haïtiens. Ils souffrent sans jamais se plaindre. J’ai pratiqué un accouchement la semaine dernière. Une jeune femme de 16 ans. Elle a accouché à 16 h. A 17 h 30, elle est repartie de l’hôpital, son bébé dans les bras et un sourire large comme le monde", poursuit le médecin après avoir pris en charge le jeune homme.
Pierre Jacquot s’éloigne. Une autre jeune fille arrive sur un brancard. Elle a 24 ans et s’appelle aussi Darline. Mais elle a eu moins de chance que l’étudiante qui l’a précédée au bloc. Sa jambe droite a été amputée juste au dessus du genou. Son bras gauche est en piteux état. L’ONG Handicap international est prévenue, Darline sera prise en charge dès sa sortie de l’hôpital.
"On s’est battu plus d’une semaine pour essayer de sauver sa jambe. On n’a pas eu le choix, se désole Pierre Jacquot. Notre but est, dans la mesure du possible, de préserver les membres touchés. Etre handicapé dans un pays pauvre, c’est être pauvre parmi les pauvres. C’est l’horreur."